Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 91.djvu/642

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Par la médiation du roi de Sicile, on pourra obtenir de l’église romaine que le titre de sénateur de Rome appartienne aux rois de France, qui en exerceront les fonctions par un délégué. Ils pourront en outre obtenir le patrimoine de l’église, à la charge d’estimer ce que rapportent la ville de Rome, la Toscane, la Sicile, l’Angleterre, l’Aragon, etc., et de remettre au pape les sommes qu’il en retiré ordinairement ; le roi de France recevra en échange les hommages des rois et des autres princes, ainsi que l’obéissance des cités, des châteaux et des villes, avec les revenus que le pape a coutume de percevoir. » Un pareil traité serait avantageux aux deux parties. En effet, quoiqu’il appartienne au pape d’exercer tous les droits impériaux dans les terres qu’il tient de la libéralité de Constantin, cependant il n’a jamais pu et il ne peut encore en jouir sans contestation à cause de la malice et de la fraude des habitans. « Il y a plus : comme on ne le craint guère, par la raison qu’il n’est point guerrier (et il ne doit pas l’être), des révoltes nombreuses ont éclaté, nombre de princes ont été condamnés par l’église avec leurs adhérens, et il est mort une infinité de personnes dont les âmes sont probablement descendues dans l’enfer ; or, ces âmes, le pape était tenu de veiller sur elles et de les préserver de tout danger. On n’élit ordinairement pour papes que des vieillards décrépits, dont la plupart sont étrangers à la noblesse. Comment supposer que, privés comme ils le sont d’amis belliqueux qui leur soient attachés par les liens du sang, ils puissent, pendant leur courte existence, réprimer l’orgueil, les rébellions et les complots de leurs sujets coupables ?… Le pape, à cause du caractère de sainteté dont il est revêtu, doit prétendre seulement à la gloire de pardonner, il doit vaquer à la lecture et à l’oraison, prêcher, rendre au nom de l’église des jugemens équitables, rappeler à la paix et à la concorde tous les princes catholiques et les y maintenir, afin de pouvoir rendre à Dieu toutes les âmes qui lui ont été confiées ; mais quand il se montre auteur, promoteur et exécuteur de tant de guerres et d’homicides, il donne un exemple pernicieux : il fait ce qu’il déteste, ce qu’il blâme, ce qu’il doit empêcher chez les autres. Il dépend de lui de conserver ses ressources ordinaires sans en avoir les charges, sans être détourné du soin des âmes ; il ne tient qu’à lui de se débarrasser de ses occupations terrestres, d’éviter les occasions de tant de maux. S’il ne craint pas de refuser un si grand avantage, n’encourra-t-il pas les reproches de tous pour sa cupidité, son orgueil et sa téméraire présomption ? »

Maître des états de l’église, dont il augmentera énormément le revenu par sa bonne administration, le roi de France s’occupera de la Lombardie. La Lombardie est une riche province qui devrait être soumise au roi d’Allemagne, mais qui refuse de lui obéir, et dont ce