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apostoliques) établis par le préfet de Rome, Pierre de Vico. Ces tabellions royaux vivront de leurs honoraires, et assisteront toujours les laïques quand ceux-ci déclineront pour cause d’incompétence la juridiction des officiaux ; ils instrumenteront pour eux et leur indiqueront la manière de procéder, en sorte que le roi aura le double avantage de recouvrer avec de grands profits la majeure partie de la juridiction qu’il avait perdue, et de déjouer bien des ruses en procurant ce qu’il est à peu près impossible d’obtenir aujourd’hui, c’est-à-dire le ministère d’un officier instrumentant avec fidélité pour quiconque voudra décliner la compétence d’un juge ecclésiastique. Il faudra aussi établir près de chaque officialité un procureur du roi qui, après avoir appelé un tabellion et au besoin un avocat, proposera, au nom des personnes citées à comparaître, les exceptions d’incompétence. Le roi, qui doit protéger tous ses sujets, a bien le droit sans doute de constituer un procureur pour empêcher que par l’excommunication on ne soumette au pouvoir de Satan les laïques qui refusent de comparaître devant un juge étranger ou qui diffèrent le paiement d’une somme d’argent. Il y a des lieux où les personnes soumises à la capitation sont excommuniées chaque année, et parce qu’elles s’endurcissent dans l’excommunication, leurs œuvres sont frappées de mort ; plusieurs même trépassent dans cet état, qui fait concevoir de justes craintes pour leur damnation éternelle. Les prélats qui s’efforcent d’étendre ce pouvoir d’excommunier semblent être vraiment des amis de Satan, puisqu’ils préparent et multiplient les moyens de perdre les âmes. « Qu’est-ce en effet que ces excommunications fréquentes, habituelles, quotidiennes, sinon un piège de Satan, par lequel, chaque jour où les officiaux tiennent séance, plus de dix mille âmes en France sont précipitées de la voie du salut et de la vie dans les mains du démon ? Si les prélats aimaient ardemment le salut des âmes, agiraient-ils ainsi au préjudice de Dieu, père et sauveur de tous les hommes, pour lesquels il a voulu que son fils mourût, non moins qu’au préjudice du roi, à qui ils enlèvent sa juridiction et les avantages qu’elle rapporte ? »

L’auteur trace ensuite le plan d’une vaste enquête destinée à découvrir les abus. On sent dans toute cette partie du travail un officier civil des plus intelligens, animé de l’amour du bien. Il ne faut pas, dit-il, en pareille matière, attendre la plainte des intéressés. « J’en ai vu un exemple dans la personne d’une riche veuve qui venait de perdre un fils en bas âge. Les biens meubles de cette succession, valant 300 livres, étaient réclamés par l’évêque d’une part, et de l’autre par deux filles de la mère. Je représentais le roi dans cette affaire, et, en cette qualité, je soutenais la cause des filles ; mais la mère se tenait du côté de l’évêque contre ses propres filles