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L’ORGANISATION


DE LA JUSTICE


DANS L’ANTIQUITÉ ET LES TEMPS MODERNES




Un des principaux problèmes que notre génération ait à résoudre est celui de l’organisation de la justice. L’esprit français aime mieux en général s’élever dans les hauteurs de la politique et même se perdre dans les rêveries humanitaires que de porter son attention sur le terrain de la pratique. Il n’est guère douteux que nous ne voyions surgir prochainement une riche moisson de constitution politiques et sociales, et peu d’hommes penseront peut-être à réfléchir sur la constitution de la justice. Il est bien tentant, à ce qu’il paraît, de créer des systèmes de gouvernement, d’organiser des états, et il semble bien petit de s’occuper de la manière dont les procès et les crimes seront jugés. Cependant il s’agit ici, si l’on y regarde de près, de quelque chose qui est plus précieux encore que nos droits politiques : il s’agit des droits individuels de chacun de nous, c’est-à-dire de ce qui assure notre liberté civile, notre propriété, notre conscience, tout ce dont nous vivons, tout ce qui fait notre existence matérielle et morale.

Il y a des peuples qui sont convaincus que la constitution judiciaire d’une société a beaucoup plus d’importance que sa constitution politique. Ils s’occupent peu de celle-ci, et l’acceptent telle quelle comme chose, à peu près indifférente ; mais ils se soucient fort de celle-là, parce qu’elle est la garantie de tous leurs intérêts et de tous leurs droits. Au rebours, le peuple français n’a jamais donné à son organisation judiciaire qu’une attention distraite. Les hommes de 1789 sont passés à côté du problème sans l’étudier ; ils