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voulu porter un jugement d’après la distance des lieux et d’après la latitude, présente en réalité un aspect très analogue. Des espèces de nos champs et de nos montagnes croissent, dans la province de Pe-tche-li, à côté de plantes répandues jusqu’en Sibérie, distinctes, il est vrai, de celles de l’Europe, mais néanmoins de même aspect. Seuls, quelques types asiatiques apparaissent dans l’ensemble, et donnent à la flore de la Chine septentrionale un caractère singulier. Lorsqu’on a franchi la grande muraille, la végétation rappelle beaucoup plus encore celle de l’Europe centrale. Les mélèzes et les bouleaux contribuent à produire la ressemblance ; plusieurs arbrisseaux et diverses plantes herbacées feraient croire aisément que les Alpes de la Suisse et du Jura sont au voisinage. Sur les montagnes de la frontière du grand empire, on voit des gentianes, des aconits, des pieds-d’alouette, des œillets, un pavot à fleur jaune, la jusquiame noire, des fraisiers, des groseilliers, des églantines. Cependant la pivoine cultivée en Europe, se montrant à l’état sauvage, annonce au botaniste la véritable situation géographique du lieu d’exploration, comme les lilas, formant de gracieux buissons que la main de l’homme n’a pas touchés, témoignent de l’Orient.

Les plaines du Pe-tche-li sont cultivées avec beaucoup d’activité et de bon sens, le moindre coin de terre est utilisé, rapporte le père David, On voit dans les champs le blé, le riz, l’orge, le maïs, le sorgho, plusieurs sortes de millet, les pois et les haricots, la batate douce, l’igname, le sésame, l’arachis, le ricin, le coton et la plupart de nos plantes potagères. Dans les marécages et dans les étangs croissent une macre (Trapabicornis) et un scirpe (Scirpus tuberosus) dont on sert les tubercules sur les meilleures tables de Pékin, et le nélombo brillant (Nelumbium speciosum), qui porte les fleurs magnifiques employées dans les cérémonies religieuses. La culture des arbres fruitiers est assez négligée.

Les jardins et les parterres des habitations chinoises ont été décrits autrefois de façon à inspirer les rêves les plus poétiques ; à côté des descriptions, la réalité a paru triste aux voyageurs de notre temps, Les missionnaires devaient peut-être admirer ce que l’on a aujourd’hui raison de dédaigner ; on juge toujours par comparaison, et les termes de comparaison ne sont plus les mêmes. Un parterre que les contemporains de Louis XIV trouvaient délicieux serait à présent fort misérable aux yeux du propriétaire de quelque chétive habitation de campagne. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder toutes les belles plantes cultivées, assez récemment introduites et pourtant devenues communes, de voir avec quel succès on a obtenu une foule de variétés dans les formes, dans ce volume, dans les nuances de certaines fleurs. En Europe, pour la satisfaction du goût, pour le plaisir des sens, l’horticulture a fait