Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 91.djvu/752

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autre côté, les difficultés que les restaurateurs par exemple avaient à surmonter pour subvenir aux besoins de leur clientèle n’allaient-elles pas eu augmentant de jour en jour ? Ces difficultés étaient devenues telles que le plus grand nombre avaient fini par renoncer à les surmonter. Pouvait-on blâmer ceux qui restaient sur la brèche de profiter du monopole que leur valaient leur persévérance et leur ingéniosité ? Les prix avaient beau s’élever en même temps, que les consommations naissaient en quantité et en qualité, les consommateurs s’étaient-ils pas encore les obligés de ces agens intéressés, mais secourables, du rationnement par la cherté ? Que serait devenue la clientèle des restaurant, si M. le maire de Paris avait jugé à propos d’appliquer aux « additions » des restaurateurs le niveau du maximum ? Enfin la concurrence agissait encore plus efficacement que n’aurait pu le faire le maximum pour augmenter nos ressources alimentaires et limiter les bénéfices excessifs des pourvoyeurs dans ce moment de crise. Des marchandes de modes et des bijoutiers s’étaient improvisés marchands de comestibles, et l’intervention de ces nouveau-venus, gens entreprenans et actifs, obligeait naturellement les anciennes maisons à modérer dans une certaine mesure, leurs exigences. Sans doute, en dépit de cette concurrence, les prix des nécessités de la vie continuaient à s’élever à mesure que les approvisionnemens non renouvelés s’épuisaient, et les souffrances des consommateurs aillaient s’aggravant ; mais n’était-ce point inévitable ? Supposons que la population parisienne eût été nourrie seulement par voie administrative, à l’aide des perquisitions, des réquisitions, du maximum et des autres moyens révolutionnaires, n’aurait-elle pas souffert davantage ? Le commerce lui a fait payer cher ses services ; seulement il lui a rendu des services, et quand viendra le règlement des comptes, ne pourra-t-il pas se faire qu’ils soient moins chers que ceux de l’administration.


IV.

Les souffrances de la population parisienne ne devaient pas finir avec le siège, et, au moment où nous écrivons, après quinze jours d’armistice, le ravitaillement est encore bien peu avancé. La destruction partielle des voies de grande communications et les obstacles que la prudence méticuleuse, sinon le mauvais vouloir des Allemands, a mis à la circulation des hommes et des choses, ont certainement contribué pour leur part à retarder les approvisionnemens ; cependant, il faut bien le dire, à ces obstacles extérieurs qu’il ne dépendait pas de nous d’éviter, sont venus se joindre des obstacles intérieurs que la population, le gouvernement et les municipalités d’arrondissement paraissent s’être ingéniés à multiplier. À peine la convention qui mettait fin au siège était-elle signée qu’on voyait reparaître aux halles et ailleurs, comme par un coup de baguette, un certain nombre de denrées et de comesti-