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conviendrait de réunir à l’église romaine ces évêques et leurs fidèles ; mais pour cela il faudrait que l’église romaine eût pour écrire à ces peuples des hommes bien instruits dans leur langue, et qui comprissent leurs argumens. Par là serait en quelque sorte renouvelé le don des langues. Les pontifes arrivent trop âgés à la papauté, et sont trop occupés pour apprendre tant d’idiomes divers.

Le souverain pontife Clément V devra donc ordonner que dans les prieurés des templiers ou des hospitaliers, soient établies deux ou un plus grand nombre d’écoles de garçons et presque autant d’écoles de filles. Les enfans seront choisis à l’âge de quatre ou cinq ans, six ans au plus, par un sage philosophe habile à deviner les dispositions naturelles. Les enfans que l’on prendra ainsi pour les instruire ne seront jamais rendus à leurs parens, à moins qu’on ne restitue les dépenses faites pour leur instruction. On instruira d’abord tous les enfans dans la langue latine, puis les uns apprendront la langue grecque, d’autres la langue arabe, d’autres les différens idiomes ; d’autres étudieront la médecine, la chirurgie et l’art vétérinaire, le droit civil et le droit canonique, l’astronomie, les sciences mathématiques et naturelles, la théologie. Cela fait, quand le pape enverra un légat en Grèce ou dans toute autre contrée d’Orient, quelle que soit la langue qu’on y parle, il fera suivre son légat de plusieurs de ces lettrés, qui triompheront par leur science des plus savans docteurs, si bien qu’il n’y aura pas d’homme qui puisse résister à la sagesse de l’église romaine. On l’admirera, on la célébrera en Orient, comme la reine de Saba loua la sagesse de Salomon.

Les filles élevées par l’œuvre des croisades devront, comme les garçons, savoir le latin, la grammaire, la logique et un idiome outre le latin, puis elles devront être instruites dans les principes naturels, enfin dans la chirurgie et la médecine. Il faut surtout qu’elles connaissent bien la doctrine chrétienne, puisqu’elles sont destinées à l’enseigner à leurs maris. Celles qui seront nobles, intelligentes et belles, devront être adoptées par de grands princes latins, afin que, passant pour filles de haute noblesse, elles puissent être convenablement mariées aux princes, aux clercs et aux riches orientaux. Elles promettront de rendre à l’œuvre, une fois mariées, ce qu’on aura dépensé pour les élever et les instruire. Il serait certes très avantageux que les prélats et les clercs orientaux, qui n’ont pas voulu, comme les clercs romains, renoncer au mariage, épousent ces filles, car elles pourraient amener leurs enfans et leur mari à partager leur foi Elles auraient des chapelains célébrant et chantant d’après le rite romain. Peu à peu, elles gagneraient à ce rite les habitans du pays, surtout les femmes, auxquelles elles seraient d’un grand secours, grâce à leurs connaissances en médecine et en chirurgie. Il est très vraisemblable qu’elles amèneraient par l’admi-