Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 92.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion qui n’avait pas trait à l’Allemagne, et qui n’impliquait pas ce dessein spécial de l’abaisser que la chancellerie prussienne veut lui imputer. Cette prétention exorbitante était de replacer sur le trône d’Angleterre, en la personne de Jacques II, la famille des Stuarts, chassée par une révolution. Le roi de France comptait par là ruiner le protestantisme dans ce pays en y maintenant par la force une dynastie catholique, et régler à son gré, selon les théories et les intérêts de sa politique, les affaires d’un peuple indépendant. Il est probable que l’empereur Guillaume, chef lui-même d’une dynastie protestante, est du parti de Guillaume d’Orange contre Jacques II et Louis XIV, et cependant cette intervention audacieuse dans les affaires d’un peuple libre pour soutenir les principes les plus purs de la légitimité doit trouver grâce devant ce souverain et son conseiller, unis dans une même aversion contre les principes, les traditions et les pratiques du libéralisme. Quoi qu’il en soit, malgré le talent et le succès avec lesquels la guerre fut conduite, Louis XIV dut faire la paix à des conditions désavantageuses ; il reconnut comme roi d’Angleterre Guillaume III, qu’il avait voulu renverser, et ne put faire autre chose en faveur de Jacques II que de lui accorder un asile. Il abandonnait une partie de ses conquêtes, en particulier cette province de Lorraine qu’il avait possédée pendant nombre d’années, qui devait revenir à la France sous son successeur, mais que la jalousie de ses ennemis parvint à lui enlever par le traité de Ryswick (1697).

Si Louis XIV accepta cette conclusion peu favorable d’une guerre heureuse dans son ensemble, ce fut évidemment pour être dégagé de tout autre soin dans l’occasion qui s’offrait alors de revenir à ses premières préoccupations, à la politique capitale de son règne, à la question espagnole. « On peut dire, a écrit justement M. Mignet, que la succession d’Espagne fut le pivot sur lequel tourna presque tout le règne de Louis XIV. » Prévue par Mazarin, dont la grande pensée fut d’en assurer les avantages à la France par d’habiles traités, la succession d’Espagne occupa les premières années de Louis XIV, et les circonstances, après l’en avoir détourné un moment, le ramenèrent à cette question dans les dernières années de sa vie. Elles lui firent entreprendre la plus juste de ses guerres, mais aussi la plus calamiteuse, quoique le succès ait en somme couronné ses efforts. Nous ne ferons pas ici l’historique de cette guerre, ni même des négociations si intéressantes qui l’ont précédée, et des efforts tentés pour l’éviter ; nous ne pouvons néanmoins nous empêcher, en les rappelant, de signaler les analogies que les causes occasionnelles de cette grande lutte présentent avec celles de la guerre actuelle.

Par sa mère, Anne d’Autriche, par Marie-Thérèse, sa femme,