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bres de réunion excitèrent un murmure universel ; la forme était plus odieuse que la chose en elle-même. A tout prendre, les parties lésées ne subirent pas de torts graves, et du reste un arrangement diplomatique vint régler le différend. Par malheur, l’active ambition du roi de France se manifesta bientôt par des entreprises sur le Rhin qui précipitèrent les événemens, et, encourageant Guillaume d’Orange dans son projet d’usurper le trône d’Angleterre, préparèrent la guerre de 1688. L’ouverture de la succession palatine, les compétitions pour l’électorat de Cologne lui donnant le droit ou au moins le prétexte d’intervenir dans cette partie de l’empire, Louis XIV fit par une prompte et brillante expédition la conquête du pays en litige, et gagna la frontière du Rhin. La situation n’était pas sans analogie avec celle qui mit les armes à la main de Henri IV en 1610, lorsqu’il allait entreprendre cette guerre que le couteau de Ravaillac vint ajourner à propos pour la maison d’Autriche. Ainsi Louis XIV ne faisait guère que suivre la voie tracée par ses prédécesseurs, par Mazarin, le ministre de sa minorité, par Richelieu, ministre de son père Louis XIII, par Henri IV, son grand-père, et par Henri II, qui, intervenant le premier dans les affaires de l’Allemagne à la sollicitation des princes allemands eux-mêmes, avait réuni à la France les trois évêchés de Metz, Toul et Verdun. Ces trois évêchés, portion de la Lorraine, étaient tombés sous la suzeraineté de l’empire allemand, dont ils ne faisaient pas primitivement partie ; en les acquérant, Henri II se rapprochait de la frontière rhénane ; Mazarin, en réunissant l’Alsace, atteignit cette frontière sur un point ; Louis XIV seul l’atteignit complètement en 1688. Que d’autres jettent à sa mémoire, comme un reproche, cette conquête qu’il n’a point pu garder, que même ils y voient, s’ils le veulent, une tentative pour abaisser l’Allemagne, nous n’y voyons, nous, qu’une tentative malheureuse pour donner à la France cette frontière du Rhin qui dans les temps anciens était la limite commune de la Gaule celtique et de la Germanie teutonique, et dont les événemens ultérieurs ont fait un objet de contestations interminables à cause du caractère mixte communiqué à certains territoires par le mouvement des invasions et les fluctuations de la politique.

Ainsi prise de possession de Strasbourg, qu’il conserva, envahissement des trois électorats ecclésiastiques et du Palatinat, qu’il rendit, voilà où se réduisent les « conquêtes injustes » de Louis XIV. Cependant on lui prêta vers cette époque des desseins dont l’exécution aurait eu pour effet de lui soumettre l’Allemagne, et qui trahiraient le plan criminel dont on l’accusait naguère à Versailles. Alors que le roi de France opérait les réunions et s’emparait de Strasbourg, l’empereur d’Allemagne se voyait menacé dans Vienne, la capitale