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germanique. La ville de Luxembourg, déclarée nécessaire à la sécurité de l’Allemagne, devait être occupée par une garnison prussienne. Lorsque la confédération fut détruite après Sadowa, tout le monde comprit que le grand-duché restait entre les mains du roi de Hollande, et cette fois libre de tout engagement. Ce pays a de vives affinités avec la France, quoique la population soit incontestablement allemande d’origine, le fait est bon à constater par ce temps de prétendues revendications nationales ; il se serait volontiers donné à nous. L’empereur Napoléon III négocia le transfert avec le roi de Hollande, qui y consentit ; mais, après des hésitations que la conduite actuelle de la Prusse explique mal aujourd’hui, cette puissance déclara s’opposer à la cession. L’affaire menaçait de s’envenimer, lorsque le cabinet anglais proposa de la discuter en congrès. Les plénipotentiaires de l’Europe, réunis à Londres, convinrent de laisser le grand-duché sous la souveraineté du roi de Hollande, à la condition que la Prusse cesserait d’y tenir garnison, que les fortifications seraient démantelées, et que le territoire luxembourgeois tout entier serait déclaré neutre. La France, l’Angleterre et les autres puissances se seraient contentées de cela. La Prusse voulut davantage ; elle exigea que cette neutralité fût garantie, comme l’est celle de la Belgique, par un engagement collectif de tous les contractans. On y consentit encore parce que personne n’y voyait de sérieux inconvéniens. Toutefois le plénipotentiaire anglais, lord Stanley, — aujourd’hui lord Derby, — déclara plus tard qu’il avait hésité longtemps à donner une garantie qui pouvait engager l’Angleterre dans une lutte à laquelle elle n’avait aucun intérêt. Le Luxembourg est éloigné de la mer ; c’est une province intérieure qu’il n’importe guère à la Grande-Bretagne de voir en la possession de la Hollande, de la Prusse ou de la France ; ce fut, paraît-il, par le simple désir d’éteindre une querelle d’où la guerre semblait sortir imminente que lord Stanley promit la garantie réclamée avec instance par M. de Bismarck. Il fallut s’expliquer là-dessus dans le parlement britannique. Les ministres de la reine déclarèrent à l’unisson dans l’une et l’autre chambre qu’il y avait lieu de distinguer entre la garantie promise à la Belgique par les anciens traités et celle accordée au Luxembourg par le traité de 1867. Pour la Belgique, la garantie était individuelle, en ce sens que la Grande-Bretagne, fût-elle seule, se sentait obligée à défendre la Belgique contre toute attaque extérieure, tandis que dans le cas du Luxembourg il n’y aurait lieu à intervention qu’autant que les autres puissances signataires seraient d’accord d’agir toutes ensemble. Ainsi la France et la Prusse étant en guerre et l’un de ces deux états menaçant le Luxembourg, la neutralité ne devait être couverte que par une action commune de la Russie, de l’Autriche et de l’Angleterre. Faute