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toire en la redisant aux trouvères étrangers. Dans cette littérature presque oubliée, il y a, non-seulement pour la sèche nomenclature de l’histoire littéraire, mais aussi pour l’histoire de la poésie intime du cœur humain, une mine des plus riches dont M. Renan a signalé ici même la valeur il y a bientôt vingt ans, et qui n’a guère jusqu’ici été explorée qu’à la surface. Les textes gallois de ces poétiques légendes, les plus originaux peut-être et les plus précieux, sont inédits encore et dispersés dans les bibliothèques des noblemen gallois. Il est à désirer qu’une main pieuse recueille jusqu’au dernier ces fragmens épars de l’ancienne poésie des Cymry, dont l’écho retentissait encore en Europe quand elle était déjà muette au pays qui la vit naître.

La conquête anglaise en effet arrêta le développement de la littérature nationale du pays de Galles sans rien mettre à la place. Le peuple gallois était tombé dans une véritable léthargie intellectuelle et morale, lorsque le grand mouvement de la réforme vint donner un aliment nouveau à la sensibilité de son âme et à l’activité de son génie. Il se jeta dans les doctrines nouvelles avec cette ardeur et cet amour de l’idéal qui caractérisent le génie celtique. Le nombre et la variété des sectes qui se développèrent chez les protestans de Galles montrent quelle intensité y atteignit le zèle religieux. Il est facile de suivre dès cette époque le mouvement littéraire et intellectuel de la principauté, grâce, à un important ouvrage écrit en gallois et récemment publié sous le titre de Bibliographie galloise[1]. Le principal auteur en est M. William Rowlands, qui consacra quarante années à en réunir les matériaux, et que la mort surprit dans ce travail opiniâtre. L’œuvre qu’il laissait inachevée fut alors confiée à un des savans les plus distingués de la principauté, M. D. Silvan Evans, qui l’a complétée par ses propres recherches et vient enfin de la publier. Ce livre donne le titre et la description bibliographique de toutes les publications en langue galloise ou concernant le pays de Galles, de 1546 à 1800, et ces indications sont accompagnées de notices détaillées sur l’auteur de chaque ouvrage. On ne saurait trop recommander cet ouvrage aux rares amis que les lettres celtiques ont sur le continent. C’est, sous une forme fragmentaire et un peu sèche, mais précise, l’histoire de la littérature galloise pendant les trois derniers siècles. On y voit quelle part importante la théologie s’est faite dans la littérature des Cymry. Les œuvres d’histoire et d’imagination ne manquent pas absolument, la poésie n’est pas tout à fait absente ; mais ce qui domine, ce sont les œuvres de théologie et de piété, cantiques, manuels d’édification, ouvrages de controverse. Certes nous préférons à tout cela les poèmes du moyen âge gallois et les romans de la Table-Ronde ; sachons cependant reconnaître que cette active propagande des sectes

  1. Llyfryddiaeth y Cymry, gan y diweddar Parch. William Rowlands, gyda chwanegion a chyweiriadau gan y Parch. D. Silvan Evans. 1869. Llanidloes, Pryse.