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animaux des environs. Le savant lazariste part le 28 mai ; le voyage s’annonce tout de suite comme devant être pénible et périlleux. Le vent est très frais pour la saison ; le chemin, courant dans une vallée tortueuse, est déplorable, et la nécessité de passer un ruisseau à gué presque à chaque, instant est une cause de fatigue. Le petit âne, qui a été loué avec tant de difficulté, porte une charge trop lourde ; il plie sous le faix, et il faut absolument le soulager. Sambdatchiemda prend pour son compte un poids d’une quarantaine de livres, l’abbé David une masse d’objets à peine moins lourde ; malgré le fardeau, les deux hommes ne perdent ni le courage ni la gaîté dont ils ont besoin pour s’aventurer à travers des montagnes sauvages, où la rencontre de brigands et de bêtes féroces est regardée comme certaine. Ils se consolent en pensant qu’une partie du bagage, composée de millet, de farine de haricots et d’orge grillée, ne tardera pas à diminuer. Le premier repas a lieu en plein air : le soir, on trouve une auberge dans un village, mais le propriétaire refuse de recevoir un Européen et manifeste des dispositions hostiles : on a signalé les étrangers comme des gens dangereux. Cependant, avec de la ténacité, notre missionnaire obtient une place sur la plateforme en briques sous laquelle passe la fumée du foyer, le kang, où dorment tous les hommes de la maison, enveloppés dans des couvertures. En quittant la large vallée, que sillonne un torrent, on s’engage entre des collines ; le pays est habité exclusivement par des Mongols, et désormais il n’y a plus d’auberges. On rencontre une multitude de lamas, reconnaissables à la robe jaune ou rouge et à la tête rasée, les uns à cheval, les autres à des de chameau ; c’est que la plus renommée et la plus considérable lamaserie de l’Ourato est proche. Avant la nuit, l’abbé David aperçoit en effet les constructions d’Ou-thang-djao : une foule de maisonnettes carrées, surmontées de plates-formes et disposées autour des temples. Plus de 1,500 lamas, paraît-il, sont réunis en cet endroit sous l’autorité d’un grand lama. Ces braves cénobites, très nombreux dans toute la Mongolie, restent dans un état d’ignorance incroyable, et vivent tranquilles avec les subsistances que fournissent les familles.

Notre voyageur dresse sa tente non loin de la lamaserie, en un lieu très sauvage ; des pins disséminés sur les coteaux servent d’abris aux loups, qui sont répandus à profusion, et la crainte de ces animaux oblige à donner au petit âne une place sous la tente déjà étroite pour deux hommes. La végétation est assez abondante aux environs de Ou-thang-djao. Les rosiers jaunes et les genévriers forment d’épais buissons ; des saules à grandes feuilles, des ormeaux, de petits chênes, des bouleaux réduits à la condition d’arbustes, une. espèce d’aubépine, des abricotiers et des cerisiers sauvages, une sorte de pommier du genre Amélanchier, couvrent les flancs