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LA VEILLÉE DU PRINCE




(Le prince dans son cabinet, lisant des dépêchés. — Minuit.)


LE PRINCE, s’arrêtant au milieu de sa lecture

Encore une journée illustre pour nos armes,
Et que d’autres suivront indubitablement !

Jetant là sa dépêche, et après un silence

Où me conduisent-ils en leur aveuglement ?
Héritage de deuil et de sang et de larmes,
Que je ne puis, de loin, entrevoir sans effroi !
O mon père, je sais quels dessein sont les vôtres,
Je sais quel idéal vous vous faites d’un roi ;
Mais je suis de mon temps, et mes dogmes sont autres,
Et ce que vous croyez n’est déjà plus ma foi.
Ce sang que vous versez, ce sang intarissable,
Vous n’y songez donc pas ? J’en serai responsable,
Et si je règne un jour…

UNE VOIX

Salut, tu régneras,
Macbeth !

LE PRINCE

Qui vient ici ?

UNE VOIX

Ne me connais-tu pas ?

Regarde ! ce n’est pas un rêve ;
Non ! c’est bien moi qui t’apparais ;
Les tempes ceintes de cyprès,
Et le cœur traversé du glaive !

Blessée au front, blessée au sein,
Pleurant tous les sanglots d’Electre,
Je viens visiter, comme un spectre,
Mon vainqueur,… non,… mon assassin !