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18 janvier au château de Versailles, dans la galerie des Glaces, en présence des députations de l’armée et des vassaux empressés du nouvel empire. Le prince Frédéric-Charles venait de lui apporter, comme cadeau de joyeux avènement, la victoire du Mans, qui brisait nos dernières espérances.

Le lendemain, dans la matinée, une vive agitation qui ne ressemblait en rien à celle de la veille se manifesta dans la garnison. Bien que le vent ne fût pas favorable, des détonations rapides et irrégulières qu’il était impossible de confondre avec le tir des pièces de siège se faisaient entendre dans la direction de Saint-Cloud. La trompette d’alarme sonna pour la première fois depuis le 21 octobre ; les barrières se fermèrent : 6 bataillons de landwehr vinrent prendre position sur la place d’armes, où les remplaça bientôt une brigade bavaroise. Vers midi parurent quelques prisonniers français noirs de poudre, les vêtemens déchirés, mais l’attitude fière et résolue. Ces hommes n’étaient ni des fuyards, ni des vaincus. L’un d’eux, trompant la surveillance peu sévère de son escorte, s’arrêta un moment près d’un de ces groupes qui saluaient nos soldats avec émotion, et qui cherchaient le moyen d’échanger avec eux quelques mots rapides. Il annonça que le combat durait depuis 6 heures du matin, que les Prussiens se repliaient de tous côtés, que nous marchions sur le parc de Saint-Cloud et sur les bois de la Malmaison. En même temps, un officier d’état-major du 5e corps lançait en passant à un de ses camarades ces mots, qui parvinrent à d’autres oreilles : — « Nous avons perdu Montretout. » Était-ce une action décisive, ou ne fallait-il voir dans cette brillante attaque qu’une feinte destinée à masquer une autre opération, ou une tentative dirigée contre les batteries de Saint-Cloud ? Ceux qui connaissaient le terrain et la force des positions ennemies, et qui se croyaient certains qu’on ne l’ignorait pas à Paris, se refusaient à admettre qu’on eût choisi un pareil champ de bataille pour un effort suprême et désespéré. — La nuit tombait, un brouillard épais amortissait les derniers bruits du combat : tout le monde s’attendait à le voir recommencer le lendemain. Les réserves prussiennes ne quittèrent pas la ville et envahirent de force à 10 heures du soir les maisons qui tardaient à s’ouvrir devant ces hôtes incommodes. Pendant toute la nuit, on entendit rouler les caissons qui venaient renouveler leurs munitions et les voitures d’ambulance chargées de blessés. Les nôtres étaient peu nombreux : on n’en comptait guère qu’une cinquantaine. Quant aux Prussiens, ils avouaient une perte totale de 400 hommes ; mais les rapports des médecins constataient que plus de 1,000 blessés étaient entrés dans les hôpitaux de Saint-Cyr et de Versailles. « Nous disons tou-