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flacons, il a introduit de l’eau versée lentement, le gaz a été ainsi expulsé peu à peu, et, en approchant du goulot une allumette enflammée, il a obtenu des jets de flamme jaunâtre doués d’un pouvoir éclairant considérable.

Mais ce n’était pas assez d’avoir démontré la combustibilité du gaz des marécages ; il s’agissait de déterminer la nature des corps qui en faisaient partie intégrante. C’est alors que se révèle tout le génie de Volta ; il imagine de brûler le gaz, objet de son étude, en présence d’un volume d’air atmosphérique limité, ou mieux encore d’un volume connu d’oxygène, gaz dont Lavoisier avait récemment fait connaître les propriétés et le mode de préparation. Il suppose avec raison que la connaissance des produits d’une combustion ainsi effectuée lui fournira des indications positives sur la question qu’il s’est proposé de résoudre. Dans cette expérience, il faut éviter l’approche de l’allumette ou de la bougie allumée dont on se sert habituellement pour produire l’inflammation des gaz combustibles, car tout corps enflammé donne lui-même en brûlant des produits qui rendraient incertains les résultats obtenus. La combustion doit donc être opérée en vase clos, et dans ces conditions il semble qu’on ne puisse plus produire l’inflammation du gaz ; mais Volta lève la difficulté. Ses travaux sur l’électricité lui ont appris qu’une étincelle électrique passant au milieu d’un mélange gazeux susceptible de brûler en détermine la combustion. Il suffit donc, pour résoudre le problème, d’employer un flacon dont les parois soient traversées par deux pièces métalliques terminées à l’intérieur par des boutons entre lesquels on puisse faire jaillir l’étincelle. Cet appareil si simple en théorie reçut de Volta le nom d’eudiomètre, il fallut lui donner une forme cylindrique, des parois d’une épaisseur considérable, car la violence des explosions dues à l’inflammation des mélanges détonans qu’on y renferme est telle, que sans ces précautions l’instrument volerait en éclats à la première expérience. Sauf quelques perfectionnemens qui ont été apportés plus tard dans la construction de cet appareil, on le trouve encore aujourd’hui dans tous les laboratoires de chimie, où il rend les plus grands services. Volta l’employa pour l’étude du gaz des marais, et bientôt il reconnut que ce gaz donnait en brûlant de l’eau et de l’acide carbonique, c’est-à-dire les deux produits que fournit la combustion de l’hydrogène et celle du charbon. Le gaz en question était donc une combinaison de ces deux corps, ce que les chimistes ont appelé un carbure d’hydrogène. Quelle ne dut pas être la surprise et l’admiration de Volta en constatant qu’il existait une forte proportion de carbone dans une matière aussi subtile et aussi transparente que l’air inflammable des marais ! Lorsqu’il fit cette décou-