Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 92.djvu/545

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gène sulfuré, dont on trouve à peine des traces dans les gaz des salzes et de certaines fontaines ardentes, entre en proportions notables dans celui des suffîoni, le gaz des marais au contraire n’y figure plus que comme élément accessoire, et encore y est-il mélangé à un autre élément combustible, l’hydrogène libre.

L’eau qui arrive en même temps que le gaz dans les lagoni est chargée de différens sels de soude, de potasse, de chaux, de magnésie, d’ammoniaque ; elle tient aussi en dissolution de la silice libre ; enfin, liquide ou vaporisée, elle entraîne de minimes quantités d’acide borique. Cet acide, précieux à cause de ses propriétés industrielles, était encore inexploité en Toscane à la fin du siècle dernier, quand un Français nommé Larderel entreprit de le recueillir régulièrement. Les gaz et les vapeurs des suffioni se dégageaient pour la plupart à l’air libre ; M. Larderel fit creuser autour de leurs orifices des bassins ou plutôt des lagoni artificiels, dans lesquels l’acide borique put se dissoudre et s’accumuler peu à peu. Des appareils d’évaporation chauffés par les émanations du sol furent installés ; des perfectionnemens divers, dans le détail desquels nous ne pouvons entrer, furent apportés dans toutes les branches du travail. Dès lors, une grande industrie se trouva créée dans un pays naguère sauvage et malsain ; une abondante source de richesse était sortie de la cause même qui semblait assurer à tout jamais la stérilité et la désolation de la contrée.

L’importance commerciale de l’acide borique fit que, pendant de longues années, on négligea complètement l’étude des autres produits dégagés dans les suffioni. On croyait généralement que l’acide carbonique et l’hydrogène sulfuré entraient seuls dans la composition des gaz qui en font partie, lorsqu’en 1856 M. Charles Sainte-Claire Deville eut l’idée que des élémens combustibles devaient se trouver aussi dans les gaz naturels de la Toscane. Afin de vérifier cette opinion, fondée sur des considérations géologiques, il se rendit aux lagoni accompagné de son ami M. Félix Leblanc, et emportant les appareils chimiques qui lui avaient déjà servi dans l’étude des gaz de plusieurs volcans. Un vénérable vieillard accueillit les deux savans à leur arrivée : c’était M. Larderel, pliant sous le faix des ans, mais toujours actif et amateur passionné des recherches scientifiques que l’on allait entreprendre dans son établissement. Un petit laboratoire avait déjà été installé sur place par ses soins. Les gaz recueillis y furent apportés et soumis à diverses expériences. Dépouillés d’acide carbonique et d’hydrogène sulfuré, ils fournirent un résidu gazeux qui brûlait facilement au contact d’une bougie allumée, en produisant une flamme claire. Ces travaux, continués plus tard en France, démontrèrent que l’hydrogène libre et le gaz