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les attendent hors du port, et auxquels restent seuls exposés ceux que l’ouverture des hostilités a trouvés en chemin. Endormis dans une sécurité trompeuse, ceux-là sont une proie assurée pour les croiseurs ennemis. Les grandes routes océaniennes sont aussi fixes, aussi immuables que celles des continens. Quelques corsaires isolés suffisent pour les écumer ; les flottes de blocus croisant aux ports d’arrivée n’ont qu’à glaner après eux, et leurs prises sont d’autant moins nombreuses que les croisières sur l’océan ont été conduites avec plus d’énergie, plus d’activité, plus de science maritime.

Le seul service réel, et certes nous sommes loin d’en méconnaître l’importance, que puissent rendre les escadres, et qu’elles nous aient rendu, est donc d’assurer aux yeux des neutres voulant se conformer aux règles internationales l’efficacité du blocus des ports ennemis. C’est là un résultat positif, et qui ne peut s’obtenir que par un vaste déploiement de forces ; mais, si nous reconnaissons facilement la puissance du nombre, cet aveu ne détruit pas la justesse des observations que nous venons d’exposer. D’ailleurs, s’il faut une escadre de blocus devant chaque port ennemi pour rendre le blocus effectif au point de vue des neutres, il n’est pas de marine militaire assez nombreuse aujourd’hui pour suffire à cette tâche, et les dépenses qu’elle imposerait seraient hors de proportion avec les dommages qui en résulteraient pour l’ennemi. C’est encore là une conséquence logique de la vitesse que la vapeur donne aux corsaires d’aujourd’hui, comme à ces coureurs de blocus, blockade-runners, insaisissables par les navires de guerre chargés de maintenir le blocus, qui ne peuvent même, à égalité de vitesse, être toujours prêts à l’action. Le maximum de vitesse est fonction de la tension de la vapeur, et cette tension ne peut être toujours maintenue au maximum qu’en marche, ce qui implique une consommation de combustible qui ne tarderait pas à paralyser ces mêmes navires, par la nécessité de le remplacer, et l’usure plus fatale encore des organes des machines si délicates qu’exigent les grandes vitesses. C’est ainsi, pour me faire mieux comprendre par un exemple, que plus d’une fois, pendant le blocus du port de Jadde, le Wilhelm Ier a bravé notre escadre en forçant à la retraite les avisos de grand’garde, qui ne pouvaient être soutenus, les navires de l’escadre étant sous petite vapeur, ayant besoin par conséquent d’un certain temps pour pousser leurs feux et être prêts à l’action.


II.

Pendant que nos armées se hâtaient vers le Rhin, on pouvait lire dans les journaux français, cette source d’information que rien n’a tarie, et où notre ennemi a puisé parfois de précieux rensei-