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Certes il serait injuste de faire retomber sur les chefs de station la responsabilité de cet état de choses. Combien en est-il que l’inaction impatiente, et qui répugnent à une vie si en dehors de toutes leurs habitudes ! Mais ici interviennent les réclamations, les demandes de nos ministres plénipotentiaires, de nos consuls, habitués depuis longues années à s’appuyer sur la présence de navires de guerre, ne comprenant pas l’utilité de ces excursions sans motifs à leurs yeux, puisqu’elles ne profitent qu’à l’instruction des officiers et des équipages. Ils demandent, ils prient, ils réclament, et au besoin n’hésitent pas à porter plainte contre les amiraux, qui, par le fait même de leur éloignement du centre de leur station, révèlent si bien l’inutilité politique de ces stations, et celle non moins évidente des fonctions si largement rétribuées qu’ils exercent eux-mêmes.

S’il en est ainsi, la France ne perdrait rien de son influence réelle, la marine aucun des élémens de sa force, à la suppression des stations navales qu’on entretient dans toutes les mers. Pour quelques services qu’elles rendent, pour quelques avantages qu’elles offrent et qu’il serait injuste de nier, ces stations entraînent des dépenses exorbitantes. Les preuves abondent, nous n’en citerons qu’une seule. Personne ne contestera que le titre de fournisseur d’une station étrangère ne soit ardemment recherché sur tous les marchés des grandes villes centres de ces stations, Rio de Janeiro, Montevideo, Valparaiso, Le Callao, Singapour, etc. ; personne ne contestera non plus que ceux qui l’obtiennent ne fassent rapidement fortune, et cela malgré la plus stricte surveillance d’une administration que chacun reconnaît la plus probe du monde. Or, dans la crise douloureuse que nous traversons, la plus sévère économie des deniers de l’état s’impose à tous, non-seulement comme un devoir, ce qui est vrai de tout temps, mais comme un moyen de salut, de régénération, de délivrance. Il faut donc rechercher, en admettant la réalité des avantages qu’offrent les stations navales, si on ne pourrait pas les obtenir par un emploi plus rationnel et plus économique de nos forces maritimes. C’est là un problème qui, comme on verra bientôt, n’offre pas de sérieuses difficultés.

Parallèlement à nos stations navales, mais moins importantes par le nombre et la grandeur des navires qui les composent, se présentent les stations locales, c’est-à-dire les flottilles mises à la disposition des gouverneurs de nos colonies. Nul ne peut mettre en doute l’utilité et les services que rendent ces stations. Si la plupart se composent de bâtimens mal adaptés aux besoins auxquels ils doivent satisfaire, aux climats exceptionnels des pays où ils naviguent, la tâche des officiers qui les commandent n’en est que plus méritoire ; mais il serait urgent de remédier à un tel défaut. Quelque supériorité d’instruction que possède le corps dont la spécialité est de fournir aux