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procureraient 184 millions ; — 2° on pourrait reprendre la réduction des deux tiers de l’impôt du sel qui a eu lieu en 1849, et qui n’a produit aucun allégement sérieux : on retrouverait de ce chef environ 66 millions ; — 3° il faudrait revenir également au point de vue fiscal sur la suppression des droits sur la laine, le coton et les matières tinctoriales, qui a été opérée en 1860 à la suite du traité de commerce, et qui n’a pas eu non plus les résultats qu’on attendait : cette suppression avait coûté au trésor 39 millions- ; — 4° quelques taxes nouvelles, sur toutes les quittances commerciales par exemple comme en Angleterre, sur les marchés à terme à la Bourse, et sur d’autres matières parfaitement imposables, pourraient fournir encore une trentaine de millions ; — 5° enfin, avec la taxe sur le revenu de 120 millions, on arrive à 439 millions : le budget est en équilibre, sauf les variations qui résultent de calculs nécessairement approximatifs.

Sans doute on impose ainsi de grandes charges au pays, il est dur, lorsqu’on avait lieu d’espérer dans un temps prochain, grâce au développement de la prospérité, des diminutions d’impôts, d’avoir à subir des aggravations, et cela au moment où la France vient d’éprouver un temps d’arrêt considérable dans son travail, où elle est moins riche que jamais ; cependant, si on veut bien comparer ces surtaxes à celles qui ont eu lieu aux États-Unis après la guerre de sécession, on les trouvera modérées ; les Américains n’ont pas craint d’imposer de 50 pour 100 et plus la plupart des objets de consommation qui étaient affranchis jusqu’alors, soit qu’ils fussent produite au dedans, soit qu’ils vinssent de l’étranger ; l’important, pour que le fardeau ne soit pas au-dessus de nos forces, c’est que le pays sorte enfin de ses agitations politiques, qu’il voie clair dans son avenir, et se sente assuré contre de nouvelles révolutions. Rien n’est élastique comme la fortune publique en France, il ne faut généralement qu’un peu de calme avec les élémens dont elle dispose pour qu’elle s’élève rapidement ; il faudra cette fois quelque chose de plus ; on aura besoin d’une grande sagesse dans l’administration de nos finances. Quand on est en présence de charges extraordinaires jusqu’à concurrence de 4 à 500 millions, et qu’on ne peut y faire face qu’au moyen d’impôts nouveaux, on est tenu d’être très circonspect, de ne rien livrer au hasard. Toute innovation, téméraire pourrait avoir des effets déplorables. L’objet de ce travail a été précisément de nous mettre en garde contre les illusions ; on a voulu beaucoup moins fournir des chiffres précis pour les augmentations qui doivent avoir lieu qu’indiquer les sources où l’on peut le mieux puiser sans compromettre la richesse publique : tout est là pour l’avenir financier du pays.

Victor Bonnet.