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son d’une dynastie méprisée. La lutte ne fut pas longue ; Charles, qui ne possède plus que Laon, Soissons et Compiègne, se réfugie derrière la Meuse, et les féodaux font sacrer roi le duc de France. À la nouvelle de cet affront, une dernière étincelle d’énergie enflamme le cœur du prince dépossédé ; à la tête des volontaires austrasiens, fidèles jusqu’au bout, malgré la défection de leur duc, à la cause du monarque qui, suivant leur vœu séculaire, paraît avoir rattaché le pays du Rhin et de la Moselle à l’empire des Francs, Charles revient sur Robert et l’atteint près de Soissons ; mais il semble épuisé par cet effort. Au lieu de se montrer aux siens sur le front du combat, il remet le commandement à un vassal, et, comme Xerxès à Salamine, il s’installe sur une éminence pour y attendre le résultat de la journée. Robert, lui, est comme un lion dans la mêlée ; il s’aventure même si témérairement qu’il est enveloppé tout à coup par cinquante Austrasiens qui ont conjuré sa mort. Il périt en effet, et les Neustriens, découragés, lâchent pied de toutes parts. Le roi Charles va-t-il donc triompher ? S’il fût descendu de la colline où il demeurait assis avec les évêques, sans doute un dernier choc eût tout décidé ; mais il continua ce trôner majestueusement au-dessus des combattans. Qu’arriva-t-il ? Une nouvelle troupe de guerriers apparaît soudain sur le champ de bataille ; les Neustriens à cette vue font volte-face, la lutte recommence plus sanglante, plus acharnée, et se termine enfin par la déroute complété des Austrasiens. Qui donc commandait ces hommes d’armes venus inopinément à la rescousse ? C’était encore un rejeton de la maison de France, c’était le fils de Robert, Hugues, celui que bientôt l’on appellera Hugues le Grand.

De son éminence de Soissons, Charles le Simple avait signé sa déposition. Il semblait que la place des Carlovingiens dût revenir pour la seconde fois à la maison de France. Elle lui revint en effet, mais seulement par un détour, une espèce d’intérim, et non d’une façon directe et immédiate. Est-ce parce que le fils de Robert, qui avait quinze ans, l’âge militaire d’alors, fut jugé trop jeune par les vassaux, ou lui-même, héritier précoce de cette mûre et patiente sagesse qui fut tout d’abord le trait caractéristique de sa race, s’éloigna-t-il volontairement des marches du trône ? Toujours est-il que le choix des féodaux se porta sur un de ses parens, Raoul, duc de Bourgogne. Charles le Simple, devenu après diverses vicissitudes le captif du comte Herbert de Vermandois, — encore un parent de Hugues, — s’éteignit de langueur en 929 dans cette même tour de Péronne qui verra plus tard un autre vassal, Charles le Téméraire, détenir un autre suzerain, Louis XI. Raoul mourut à son tour en 936. À cette date, Hugues avait vingt-