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leur code militaire en vertu duquel tout canton dont une seule commune a reçu la visite des soldats allemands est considéré comme occupé tout entier. Par application de ce principe, les communes de ce canton furent sommées de payer les réquisitions en retard. Seulement, comme les troupes allemandes n’avaient plus besoin d’avoine, les contributions en nature furent converties en contribution pécuniaire, et le quintal de grain évalué pour la circonstance à trois fois sa valeur vénale ; mais où parut surtout l’ingéniosité des officiers allemands, c’est à l’occasion des bois d’affûts trouvés à Toul dans les arsenaux de l’état. L’administration prussienne les mit en vente ; mais, ne trouvant pas d’acheteurs, elle en imposa l’acquisition à la ville. Une fois achetés, elle les mit en réquisition !

Il est encore impossible d’évaluer le montant de toutes ces charges pour la Lorraine : le travail se fait, et les résultats de cette nouvelle enquête agricole seront sans doute officiellement publiés. Qu’il suffise de savoir que la ville de Nancy a contracté plusieurs emprunts, s’élevant ensemble à plus de 4 millions 1/2. Un autre désagrément qu’entraînait le séjour dans les pays occupés, c’est que les habitans se trouvaient responsables de tout ce qui se faisait d’hostile à l’Allemagne non-seulement dans la France entière, mais jusque dans la mer Baltique. Quand M. de Fontanes, historien allemand, fut arrêté comme espion et conduit à l’île d’Oléron, M. de Bismarck exigea du gouvernement français la mise en liberté de ce « savant inoffensif ; » autrement un certain nombre de personnes d’égale condition seraient arrêtées comme otages dans les pays occupés et emmenées en Allemagne. Quand notre flotte cuirassée captura dans les parages du nord les navires marchands de l’Allemagne, les notables de la Lorraine et de la Champagne servirent d’otages pour les capitaines de vaisseau prisonniers, et le département de la Meurthe, en vertu d’un édit royal du 13 septembre, dut payer à lui seul 750,000 francs « comme indemnité pour les pertes éprouvées par les nationaux allemands en suite de leur expulsion du territoire français et de la capture des navires de commerce allemands par la flotte française. »

La réorganisation de l’administration proprement dite témoigne chez les fonctionnaires prussiens d’une activité remarquable. Tous les fonctionnaires français, ingénieurs, forestiers, percepteurs, contrôleurs, employés supérieurs des postes, des télégraphes, des chemins de fer, des travaux publics, avaient imité la magistrature, et refusé de reprendre leurs fonctions. À plusieurs reprisas, le marquis de Villers leur envoya des formules d’adhésion tout imprimées ; il leur déclara qu’il ne leur demandait « ni serment politique, ni renoncement à leurs sentimens nationaux, et qu’il se contenterait