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hommes qui s’y installaient, et souvent la présence de l’habitant ne fut pas une sauvegarde contre de telles licences.

Cependant l’armée de la Loire, qui se formait sur la rive gauche, était l’objet des plus vives préoccupations du gouvernement de Tours. Le général d’Aurelle de Paladines, l’un des plus anciens visionnaires de l’armée française, venait d’en recevoir le commandement. Cet officier, dont la longue carrière avait d’ailleurs été sans éclat, s’était acquis la réputation d’être inflexible sur la discipline. C’était peut-être la qualité la plus utile en ce moment. Quoique classé dans le cadre de réserve depuis deux ans, le général d’Aurelle avait offert son épée avec empressement à la défense nationale dès les premiers signes du danger, et on l’avait pris pour ce qu’il était en réalité, l’un des généraux les plus capables de commander d’une main ferme à une grande réunion d’hommes. Enfin l’heure d’agir arriva. L’armée de la Loire, qui s’appelait alors le 15e corps, était campée dans le Cher et le Loiret, entre Argent et Lamothe-Beuvron ; elle comptait de 40,000 à 50,000 hommes. Tandis que la 1re division, sous les ordres du général Martin des Pallières, remonte au nord-est pour franchir la Loire à Gien, le gros des troupes se porte vivement sur Beaugency, passe sur la rive droite dans les premiers jours de novembre, et effectue sa jonction avec le 16e corps, commandé par le général Chanzy, qui se trouvait en avant de la forêt de Marchenoir. Le plan de la campagne était d’opérer un mouvement tournant au nord d’Orléans de façon à envelopper les Bavarois. Un premier engagement à Saint-Laurent-des-Bois nous fut favorable. C’était assez la mode dans les journaux anglais et allemands de cette époque de traiter avec un suprême dédain les nouveaux contingent de l’armée française, que les correspondans militaires représentaient comme des agglomérations informes sans armes, sans chefs, sans habits, et plus faibles encore sous le rapport de l’instruction et de la discipline que sous le rapport matériel. Nous ne savons ce qu’en pensait M. de Moltke. Toujours est-il que le général von der Thann, bien qu’il eût 20,000 hommes sous ses ordres, n’osa pas attendre l’ennemi dans Orléans. Il évacua cette ville à la hâte sans prendre le temps d’emporter ses malades et ses blessés, et il vint se porter à Coulmiers sur le passage des Français. Il y fut culbuté le 9 novembre, laissant entre nos mains deux canons, un grand nombre de caissons et de voitures, et quelques milliers de prisonniers. Il est digne de remarque que l’on trouva dans les fourgons capturés des glaces, des pendules, des châles, des dentelles et autres objets précieux ; les prisonniers étaient aussi porteurs de bijoux de femmes, ce qui est une preuve suffisante des déprédations commises dans l’Orléanais par les troupes bavaroises.