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au prix de l’abandon d’une partie de son matériel de guerre, il n’avait qu’à détruire les ponts de la Loire. Le général des Pallières, qui commandait en personne l’arrière-garde, crut préférable de cesser le combat. Pour sauver la ville d’un bombardement, il accepta d’y laisser entrer l’ennemi sans coup férir à minuit. Se retirant lui-même avec ses derniers soldats, il franchit le pont et suivit sur la route de Sologne les débris du 15e corps, alors en pleine retraite.

Que cette seconde évacuation d’Orléans ait été un désastre pour la défense nationale, c’est assez évident ; mais que l’insuccès de l’armée de la Loire fût imputé à crime au général en chef d’Aurelle de Paladines, c’est moins facile a expliquer. En somme, il semble démontré que d’Aurelle eut le rare talent de savoir se résigner en temps utile. Si l’on prétend l’accuser d’avoir été mauvais stratégiste, parce qu’il se laissait battre devant Orléans par 90,000 hommes, tandis qu’il en avait 70,000 qui restaient dans l’inaction du côté de Bellegarde, il faudrait savoir qui, de lui ou de M. Gambetta, était responsable du plan de la campagne. Quels ordres recevait-il de Tours ? entre quelles limites s’exerçait son initiative ? Ce sont des questions que l’examen de la correspondance secrète du général résoudrait ; or cette correspondance n’a pas été publiée. Le seul document que le gouvernement ait livré au public concernant les opérations du 3 et du 4 décembre est la note suivante que nous reproduisons malgré son étendue. C’est, on le verra, un acte d’accusation complet contre le général ; elle fut insérée dans les journaux du 6 décembre.

« Après les divers combats livrés dans les journées du 2 et du 3 décembre, qui avaient causé beaucoup de mal à l’ennemi, mais qui en même temps avaient arrêté la marche de l’armée de la Loire, la situation générale de cette armée parut tout à coup inquiétante au général commandant en chef, d’Aurelle de Paladines. Dans la nuit du 3 au 4 décembre, le général d’Aurelle parla de la nécessité qui s’imposait suivant lui d’évacuer Orléans et d’opérer la retraite des divers corps de l’armée sur la rive gauche de la Loire. Il lui restait cependant une armée de plus de 200,000 hommes[1], pourvus de plus de 500 bouches à feu, retranchés dans un camp fortifié de pièces de marine à longue portée[2].

  1. Ici M. Gambetta exagère évidemment le nombre des combattans français pour augmenter la prétendue culpabilité du général commandant en chef. Nous l’avons déjà dit, l’effectif devait être de 160,000 à 180,000 hommes avant les combats qui se terminèrent par l’évacuation d’Orléans.
  2. S’il est vrai, comme on l’a dit, que les batteries de marine placées en avant d’Orléans étaient échelonnées sur trois rangs en avant les unes des autres à plusieurs kilomètres de distance, cela ne constituait pas ce qu’on appelle à proprement parler un camp retranché. » Nous admettrons bien volontiers qu’à Orléans, comme à Metz,