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160,000 à 180,000 Français bien préparés. Au 6 novembre, les têtes de colonne du prince Frédéric-Charles étaient encore sur la rive droite de l’Aube, à quinze journées de marche d’Orléans ; elles n’avaient pas dépassé Brienne. L’armée de Bretagne, comme l’armée de la Loire, complétait son instruction et son équipement. Manteuffel s’arrêtait sur la rive gauche de la Meuse. Pendant les vingt-cinq jours d’armistice, le transport des vivres et des munitions encombrait l’unique chemin de fer que l’état-major allemand eût alors à sa disposition, et la difficulté d’assurer la subsistance des hommes dans un espace relativement restreint était un obstacle à de plus grandes concentrations de troupes devant Paris et devant Orléans. Nous avons la ferme conviction qu’une assemblée nationale n’eût pas accepté alors les conditions de paix qu’aurait proposées le roi de Prusse. À la reprise des hostilités, le 2 décembre, il était permis d’espérer une marche victorieuse sur Paris par le sud ou par l’ouest.

Pourquoi devons-nous ajouter qu’une prolongation de résistance à Metz eût servi la France aussi bien qu’un armistice ! Tant que la preuve n’en sera pas faite avec évidence, on aime à croire que le maréchal Bazaine n’a pas trahi son pays de propos délibéré, qu’il a seulement été un mauvais général ; mais on se sent saisi d’une profonde tristesse quand on constate que l’armée du prince Frédéric-Charles, rendue libre par la capitulation de Metz, arrive devant Orléans juste à temps pour anéantir les efforts du général d’Aurelle. Passons aux événemens des quatre premiers jours de décembre. Le lecteur qui aura noté sur la carte du département du Loiret les emplacement assignés aux cinq corps de l’armée de la Loire doit être étonné de l’étendue de la ligne de défense qu’occupait alors l’armée française. On se rappelle les dispositions qu’avait adoptées le major général Lebœuf au début de la campagne, alors que nos troupes étaient dispersées de Thionville à Belfort. Dans ce cas-ci, la faute était moins grave, car l’espace occupé était moindre, quoique encore trop grand. D’ailleurs elle était en partie commandée par la nature topographique du terrain, puisque la forêt coupait en deux nos positions. Toutefois il en résulta cette conséquence déplorable que les deux corps de l’aile droite restèrent en dehors de la lutte, et se mirent en retraite sans avoir pris part au combat.

Mais, malgré la dispersion de nos forces devant Orléans, en dépit aussi de l’insuffisance des travaux défensifs que le génie avait préparés en avant de cette ville, nous ne pouvons croire que le prince Frédéric-Charles aurait eu bon marché de l’armée de la Loire, si le général d’Aurelle eût gardé avec prudence les cantonnement qu’il occupait. Le seul fait d’avoir perdu Orléans après l’avoir occupé pendant un mois ôtait à l’armée allemande le prestige dont elle