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mais il avait de grands avantages, dont le principal était de rétablir la distinction naturelle entre les agglomérations urbaines et les circonscriptions rurales. Tel qu’il était, il fonctionna pendant cinq ans, et, s’il vint à périr, ce n’a pas été en considération des inconvéniens administratifs qu’il entraînait, c’est par le changement de constitution du pays, c’est par l’avènement du premier consul, bientôt empereur, c’est par le parti-pris de détruire tous les élémens du self-government. Il ne faut pas l’oublier, c’est au pouvoir despotique qu’ont été sacrifiées les institutions locales de la constitution de l’an III : le jour où elles disparurent, on vit disparaître en même temps la liberté politique, l’administration du pays par le pays, toutes les franchises, toutes les garanties contre l’esprit d’aventures et le pouvoir personnel. Aussi, lorsque le gouvernement de juillet essaya de restaurer la vie municipale éteinte, c’est au régime local de l’an III qu’il eût dû revenir. Malheureusement les vieux préjugés dominaient encore, la tradition napoléonienne avait de nombreux admirateurs ; on respecta dans leur ensemble les institutions locales du consulat, et on fonda l’ordre de choses qui subsiste aujourd’hui, et qui est assurément l’une des plus grandes causes de notre torpeur, de notre faiblesse, de notre impuissance. L’on paraît résolu, dans le pays et dans la chambre, à des réformes plus profondes, et cette fois l’on n’innovera pas au hasard ; on prendra certainement exemple de l’organisation anglaise et du régime qui fonctionnait encore en France à l’avènement du consulat, précurseur de l’empire. Ce n’est pas qu’il faille rétablir dans tous les détails le système local de la constitution de l’an III. Un peuple ne reprend jamais sans les amender des institutions disparues depuis soixante-dix ans ; mais le principe est excellent. Les communes rurales doivent être fondues dans le canton pour tous les intérêts un peu généraux, la police notamment et les travaux de grande voirie. Ce serait toutefois une erreur, croyons-nous, que de leur enlever toute individualité : elles doivent rester maîtresses de leur église, de leur cimetière, de leur école, des chemins vicinaux qui ne sont ni de grande communication, ni d’intérêt commun ; à plus forte raison doivent-elles administrer elles-mêmes leurs biens. Elles seront ainsi ramenées sans effort dans le cercle restreint où se meuvent avec indépendance les paroisses rurales de l’Angleterre. L’assemblée cantonale aurait toutes les autres attributions, et surtout le pouvoir réglementaire en matière de police. L’on ne craindrait plus dans les villages la capricieuse autorité des maires, souvent peu éclairés, très passionnés, et dégénérant quelquefois en vrais despotes. Les libertés locales n’y perdraient rien ; elles y gagneraient même : l’autonomie serait d’autant plus absolue que les assemblées seraient plus compétentes et plus impartiales, que les