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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mai 1871.

Qu’est-ce donc que ce funeste drame qui depuis plus de cinquante jours se déroule au bruit du canon à travers les plus sanglantes péripéties, et dont le dénoûment ne peut plus désormais être longtemps suspendu ? Il n’y a pas deux manières de le caractériser et de le définir : c’est la France souveraine réduite à frapper aux portes de Paris, à reconquérir par le fer et le feu le droit de rentrer dans sa capitale, et c’est Paris, le Paris qu’ont fait quelques tribuns de hasard, disputant à la France les clés de ses portes, prétendant lui imposer ses volontés, les volontés de ces mêmes tribuns qui se font un piédestal de tant de misères. C’est la lutte de la nation et d’une faction improvisée souveraine et maîtresse de la grande ville, tournant contre une armée française, contre une assemblée française issue du plus large suffrage populaire, contre des concitoyens, toutes les forces nationales accumulées contre l’ennemi extérieur. C’est une guerre civile dont la sécurité et l’indépendance du pays tout entier, le repos et l’avenir de la première cité du monde, la vie et la liberté d’une multitude de victimes inoffensives, sont le prix. Et encore si cette faction égarée, ou peut-être poussée au combat par quelque main invisible, représentait quelque chose, ne fût-ce qu’une idée prématurée, une protestation de patriotisme ou de liberté ! Mais non ; que peuvent vouloir ceux qui se font un jeu cruel de prolonger cette guerre civile ?

La république, ils l’ont ; elle est du consentement de tous sous la garde du suffrage universel. Les franchises municipales, personne ne les dispute à cette ville de Paris qu’ils prétendent défendre, et qu’ils commencent par opprimer. Ils n’auront eu leur quart d’heure de domination éphémère que pour marquer leur passage par les ruines qu’ils auront faites. Ils n’auront vécu que pour représenter la violation du droit et