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La confiance, les sympathies qui ne nous avaient pas accompagnés pendant la guerre, elles étaient prêtes à renaître au lendemain de la paix. Les implacables brutalités de la victoire à notre égard, le siège de Paris, dont on ne voyait que les côtés héroïques et émouvans, une défense énergique et prolongée dans des conditions impossibles, tout servait à montrer que la France avait pu être malheureuse dans une entreprise fatalement conduite, mais qu’elle gardait en elle-même assez de vigueur native, assez de ressources pour reprendre bientôt son rang. Vaincue, diminuée dans son territoire, atteinte dans sa richesse, mais non déshonorée, la France pouvait compter encore sur l’avenir ; elle pouvait renouer des alliances, désarmer les inimitiés, les méfiances qui avaient fait sa faiblesse, et retrouver l’occasion de rentrer dans la politique générale. Les étrangers ne s’y trompaient pas, M. de Bismarck lui-même sentait bien qu’il restait encore une nation française. Ce triste mouvement parisien a tout détruit, ou du moins tout compromis pour le moment. Quand il n’aurait eu que le résultat d’émousser ou de détourner le sentiment national en faisant oublier l’invasion qui nous presse, en nous condamnant aux affreuses, aux énervantes préoccupations de la guerre civile, ce serait déjà trop ; mais de plus ne voit-on pas combien tout a changé en quelques jours ? Cette insurrection malvenue, elle nous fait perdre tout ce que nous étions en train de regagner ; elle nous livre à la risée ou à la pitié du monde. M. de Bismarck nous contemple avec une ironie satisfaite ; il se moque de nous, le terrible homme, il trouve en vérité qu’il y a un « grain de raison » dans l’insurrection parisienne, dans cette insurrection qu’il nous presse de réprimer, et au besoin il promet à l’Alsace, à la Lorraine, plus de franchises communales que la France ne pourrait leur en donner. Ceux qui n’auraient pas demandé mieux que de saluer avec cordialité le retour de la France dans les conseils de l’Europe finissent par se demander si décidément nous ne sommes plus bons qu’à nous déchirer nous-mêmes. Quelle autorité peut avoir le gouvernement dans les négociations laborieuses qu’il poursuit encore avec l’Allemagne ou dans ses relations avec les autres pays ? L’insurrection de Paris est venue de nouveau paralyser l’action diplomatique et le crédit de la France. Cependant le monde ne cesse pas de marcher, les affaires suivent leur cours et se décident sans nous, partout s’agitent des questions qui nous touchent, qui en d’autres momens auraient mis le feu à toutes les polémiques, et auxquelles nous avons à peine le temps ou la liberté de songer,

L’Italie, quant à elle, n’a point laissé échapper l’occasion de ce grand trouble européen pour trancher une question dont la solution, selon toutes les vraisemblances humaines, devait faire plus de bruit qu’elle n’en a fait, la question romaine elle-même. L’Italie a occupé Rome pendant la guerre, dès la fin de septembre 1870 ; elle a fait sanctionner