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s’il le veut, liquider complètement cette dette et la faire disparaître. Il y a là matière à sérieuse réflexion, quand on considère l’avenir. Assurément, il ne suffit pas de n’avoir point de dette pour être un état puissant. L’Angleterre est très forte avec des engagemens qui atteignent encore près de 20 milliards, et elle ne serait pas embarrassée de se procurer toutes les ressources dont elle aurait besoin. Il n’en est pas moins vrai qu’à richesse égale l’état qui n’a pas de dette a un grand avantage sur ceux qui en ont une très lourde, et comme l’Allemagne, après avoir fait ses preuves au point de vue militaire, s’apprête aussi à développer rapidement ses intérêts économiques, on peut prévoir aisément que l’équilibre des forces en Europe ne tardera pas sous tous les rapports à être modifié à son profit.

Nous ne parlons pas de la dette des petits états, ni même de celle attribuée à l’Autriche et à la Russie, bien qu’il y ait là aussi beaucoup de détails fort intéressans ; nous avons hâte d’arriver à ce qui concerne la France. Ici la progression est effrayante ; M. Baxter l’établit d’après M. Maurice Block, dont les assertions méritent toujours grande confiance. Nous prendrons les chiffres seulement à partir de 1815 : notre dette était alors de 1 milliard 766 millions. En 1830, elle monte à 3 milliards 544 millions ; le gouvernement de juillet la porte à 4 milliards 550 millions. À la chute de la république, en 1852, elle est de 6 milliards 130 millions, et enfin au mois de décembre 1870, après la chute du second empire, elle atteint le chiffre prodigieux de 13 milliards 750 millions, près de 14 milliards. Nous ne voulons pas discuter tous ces chiffres, ni examiner si la part afférente à chaque régime a été équitablement faite, si celle de la restauration par exemple, qui comprend la liquidation des charges laissées par l’empire, telles que l’indemnité de guerre et les frais d’occupation, n’est pas un peu exagérée. Cet examen rétrospectif n’aurait pas d’intérêt. Ce qui importe aujourd’hui, c’est de connaître exactement la situation dans laquelle nous sommes, et de constater avec quelle imprévoyance, sous le dernier gouvernement surtout, on a laissé s’accumuler la dette dans des proportions fabuleuses. Le capital en aurait plus que doublé en moins de vingt ans. D’après M. Baxter, la charge annuelle de cette dette, qui était de 5 francs 75 cent. par tête en 1818, avec une population de 30 millions d’individus, serait aujourd’hui de 12 francs 15 cent., avec une population de 38 millions, en y comprenant la garantie accordée aux chemins de fer. Par rapport au revenu général, la proportion serait descendue, il est vrai, de 3 1/2 pour 100 à 2 3/4 pour 100. Ainsi, on le voit, pendant que nos voisins les Anglais ont diminué la charge annuelle de leur dette de 43 francs à 18 francs par tête, la nôtre s’est élevée de 5 francs 75 cent. à 12 francs 15 cent, et le développement du revenu public n’a guère fait que contre-balancer cette augmentation, tandis qu’en Angleterre le