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près des frontières ; tout était prévu, même les désertions, même, hélas ! les retraites en Suisse : des ordres furent donnés du premier jour pour l’internement des réfugiés. Une notification du 18 juillet, adressée aux puissances, affirma le droit de la confédération d’occuper militairement la Savoie du nord. Enfin, le 20 juillet, une proclamation du conseil fédéral disait au peuple suisse : « La paix qui régnait en Europe paraît tout à coup devoir être profondément ébranlée par des événemens imprévus. L’intention du gouvernement d’Espagne d’appeler au trône de ce pays le prince Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen a provoqué des complications qui, paraît-il, ne peuvent être résolues que par une guerre entre la France et l’Allemagne… L’attitude que la confédération doit prendre dans ces graves circonstances lui est clairement indiquée par son histoire et par sa politique traditionnelle. Elle a le sentiment que son salut dépend du soin qu’elle prendra de se tenir en dehors des conflits entre les puissances étrangères, mais de repousser énergiquement toute atteinte portée à ses droits et toute violation de son territoire… Le peuple suisse sera de nouveau appelé à faire de grands sacrifices ; mais la voix des autorités du pays a trouvé constamment un écho sympathique et enthousiaste quand il s’est agi de protéger la patrie et de transmettre intact aux générations futures l’honneur de la nation suisse. » Ce ne sont point là des paroles vaines ; ce pays neutre devait en effet s’imposer de lourdes charges à cause d’une guerre où il n’avait rien à gagner, où il avait tout à craindre, quel que fût le vainqueur. Il fallait donc un vigoureux appel pour arracher à leurs affaires, à leurs plaisirs, plus de 37,000 hommes, presque tous artisans, laboureurs ou bourgeois, qui avaient besoin de leur temps pour vivre, pacifiques citoyens, soldats quelquefois un peu malgré eux. Tous cependant répondirent au premier appel. De son côté, le conseil fédéral n’avait pas perdu de temps, ni même attendu la déclaration de guerre pour inviter les cantons à compléter leurs cadres et à tenir leurs chevaux en disponibilité. Ces ordres à peine expédiés, le télégraphe mit sur pied l’élite de cinq divisions de l’armée envoyées sur-le-champ aux frontières du nord et du nord-ouest. Ce mouvement fut vivement exécuté ; dans la nuit du 16 juillet, les troupes d’Argovie étaient déjà aux portes de Bâle. Trois jours après, 37,423 hommes étaient sous les armes avec 3,541 chevaux et 66 canons. L’assemblée fédérale conféra le titre de général en chef à un Argovien, M. Hans Herzog, officier très distingué.

Quand elle vit d’un côté la France concentrer de grandes forces à Belfort, réquisitionner quantité de véhicules en Alsace, annoncer des camps à établir dans le voisinage de Bâle, et ordonner aux habitans