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craient leur jour de sortie à cette œuvre de dévoûment. De la gare, nos voyageurs étaient conduits à la caserne dans des omnibus qui ne coûtaient rien à personne ; trois grandes salles bien chauffées et 55 lits leur étaient offerts par le conseil d’état. S’ils avaient besoin de pansement, le personnel de l’hôpital était à leurs ordres ; une ambulance avait même été créée pour eux par une femme de cœur qui n’a pas voulu laisser publier son nom. Les auberges, les premières de la ville, invitaient ces hôtes si bienvenus à de somptueux repas, quelques-unes leur avaient même préparé des chambres. Dans la rue, ils étaient littéralement assaillis par la population, traînés de force à la brasserie, au restaurant, même à la table de famille. Que de choses n’aurions-nous pas à dire encore ! mais il n’est pas temps d’admirer ces fêtes de l’hospitalité ; nous les décrirons en racontant l’entrée de l’armée de l’est.

Cependant le comité de secours ne s’occupait pas seulement des nôtres, il songeait aussi aux blessés allemands. Il préparait des asiles de convalescent à Montreux, sur les bords du lac de Genève, et même en Italie, à Palanza, sur les bords du Lac-Majeur. Il cherchait à adoucir le sort des invalides internés en Allemagne et souvent exposés à de cruelles privations, malgré la compassion des vainqueurs. On le chargeait même de rappeler les belligérant au respect de la convention. N’ayant aucune autorité officielle, il ne pouvait que transmettre les réclamations au conseil fédéral, qui intervenait lui-même comme avocat, non comme arbitre, et qui, à Tours comme à Versailles, obtint de loin en loin quelques faveurs. Telle fut l’action de la croix rouge. Nous ne disons rien des ambulances, des médecins et des infirmiers expédiés dans les deux armées, des secours de toute sorte envoyés de toutes les maisons suisses dans les deux camps ; c’est uniquement l’œuvre des comités de Secours que nous relevons. Outre ceux de la croix rouge, siégeant à Genève et à Bàle, il y eut encore celui de la croix verte, qui s’occupait spécialement des prisonniers, et qui, dirigé par un Bâlois, le docteur Christ Socin, eut sur les bras une lourde tâche. Il y eut encore de nombreux comités de femmes pour les malades et les blessés, pour les victimes de la guerre, pour les populations ruinées, pour les réfugiés de Strasbourg. Comités français[1], allemands, suisses, internationaux, distribuent leurs dons

  1. Il importe de constater que dans toutes les villes suisses les colonies françaises firent leur devoir : il y eut à Genève des loteries, à Lausanne des conférences, à Fribourg des concerts, qui rapportèrent beaucoup d’argent ; un comité français à Neuchâtel distribua 8,600 francs en quinze jours. Nos peintres établis en Suisse n’ont travaillé pendant la guerre que pour ceux qui se battaient. Nos jeunes gens qui étudient la théologie à Genève, et qui sont exemptés du service militaire, n’ont pas voulu profiter de l’exemption. Ils ont fondé une ambulance, et sont partis pour la guerre ; il leur fallait un fourgon, des chevaux et 20,000 francs, ils les ont trouvés.