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avec tant d’exactitude celui d’un énorme chien, que je n’ai pu y croire que lorsque j’ai tenu le grand batracien dans mes mains[1]. » La province, arrosée par des fleuves et des rivières, traversée par des canaux, parsemée de lacs et d’étangs, fournit de grandes quantités de poissons ; on y pêche des loches, des silures, une infinité d’espèces de cyprins.

Les provinces centrales de la Chine promettaient peu de découvertes importantes ; partout les terres sont cultivées, et, avec l’extension de la culture, les productions naturelles disparaissent, les végétaux et les animaux sont détruits pour la plupart. L’abbé Armand David, impatient de visiter une région encore épargnée par le travail des hommes, prend la résolution de se porter immédiatement à l’ouest du céleste empire. Sur une barque chinoise, il remonte le Yang-tse-kiang, — voyage d’une monotonie désolante. Il fallut soixante-trois jours de navigation et douze jours de marche pour arriver à Tchong-kin, l’une des principales villes de la province de Sse-tchuen, située à peu près sous la même latitude que Chang-haï. La navigation du fleuve ne peut être ni rapide, ni exempte de périls ; de nombreux écueils à éviter, des rapides à surmonter, sont des causes incessantes de lenteur, de fatigues et de dangers. Aussi notre missionnaire ne croit pas à la possibilité de faire parcourir le fleuve à des bateaux à vapeur.

Depuis longtemps on sait que les Chinois dressent des cormorans pour la pêche, comme cela s’est pratiqué autrefois en Europe et surtout en Angleterre. Plusieurs fois on a décrit les merveilles d’adresse de ces oiseaux, rendus aussi dociles que des chiens de chasse. Le pêcheur conduit sa barque sur un point préféré ; les cormorans, perchés sur les bords du bateau, regardant de leurs beaux yeux vert de mer, plongent au premier signal, et bientôt chacun, portant un poisson dans son bec, revient à la nage. Mais les Chinois sont inépuisables en invention quand il s’agit de tirer parti des animaux. Pendant le voyage à travers le Kiang-si, le Hou-pé et le Sse-tchuen, le père Armand David a vu avec admiration des loutres tout aussi habiles et tout aussi bien apprivoisées que les cormorans. Sur l’ordre du pêcheur, ces animaux se jettent dans l’eau et rapportent le poisson sur la barque du maître.

La province de Sse-tchuen est extrêmement peuplée et entièrement cultivée dans la partie centrale et dans la partie orientale ; seule, la région occidentale, qui confine aux principautés indépendantes du Thibet, a conservé sa physionomie primitive : c’est une contrée montagneuse, située à une trentaine de lieues de Tchen-

  1. L’abbé David propose de nommer cette grenouille, qui parait être demeurée inconnue jusqu’à présent, Rana latrans.