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nous croyons pourtant qu’il mérite mieux qu’une sèche mention faite en passant et pour mémoire. Par divers incidens de sa carrière politique, il appartient à la période la plus agitée et la plus dramatique de la vie d’Athènes ; par le caractère de son style oratoire, il nous représente un des momens, une des phases de l’éloquence athénienne, il nous en fait suivre la marche et le progrès continu. Sans lui, entre Antiphon et Lysias, il y aurait une lacune dans la série des orateurs attiques. On doit donc s’arrêter sur Andocide avec plus d’insistance. Sa biographie nous donnera l’occasion de retracer une des scènes les plus étranges et les plus curieuses de l’histoire d’Athènes, la mutilation des hermès et le trouble profond qui s’empara de la cité à la suite de ce sacrilège. Dans les meilleures parties de son principal ouvrage, le discours sur les mystères, il forme la transition entre la raideur, la vigueur un peu tendue d’Antiphon, et les allures plus aisées, le ton plus libre et plus varié de Lysias.


I.

D’après l’auteur anonyme de ces Vies des dix orateurs qui nous sont arrivées avec les œuvres de Plutarque, Andocide serait né la première année de la 78e olympiade, c’est-à-dire en 468. Or cette date s’accorde assez mal avec plusieurs indices que l’on a relevés dans les œuvres mêmes d’Andocide, et dans un plaidoyer contre lui, attribué à Lysias. Pour ne citer qu’un exemple des difficultés qu’elle soulève, l’orateur, dans un discours qu’il n’a pu prononcer avant l’année 400, nous apprend qu’il ne lui est pas encore né d’enfans[1]. Cette expression pas encore, dans la bouche d’un vieillard de soixante-huit ans, serait, il faut l’avouer, au moins singulière. Dans la péroraison pathétique dont nous la détachons, elle aurait risqué de produire un effet tout opposé à celui qu’Andocide voulait produire, elle aurait fait sourire les jurés. Mieux vaut croire qu’il y a là, chez le compilateur de ces notices, plus laborieux qu’exact et judicieux, une erreur comme il en a commis beaucoup. Avec les meilleurs critiques, nous placerons la naissance d’Andocide vers le milieu du siècle, entre 450 et 440 ; il aurait donc été de trente à quarante ans plus jeune qu’Antiphon.

Par ses origines mêmes, Andocide semblait destiné à la vie politique. Sa famille était une des plus anciennes et des plus considérées d’Athènes. Elle appartenait à cette vieille noblesse pour laquelle les Athéniens, même après qu’ils furent tout à fait pénétrés par l’es-

  1. Sur les mystères, § 148.