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tôt, et sa présence ne souleva d’abord aucune protestation : on avait passé depuis deux ans par de telles crises, qu’il y avait une détente, une lassitude générale. La plupart des hommes qui avaient joué les premiers rôles dans les anciennes luttes avaient disparu ; les événemens récens avaient assez frappé les esprits pour émousser le souvenir de ce qui les avait, le plus passionnés autrefois. On était disposé à plus s’occuper de l’avenir que du passé. Il eût peut-être été facile à Andocide, s’il se fût tenu sur la réserve, de vivre tranquille dans cette Athènes qu’il avait tant souhaité revoir ; mais cet obscur repos ne faisait pas son compte. Sa naissance, sa fortune, qu’il avait relevée et augmentée pendant son exil, les relations qu’il s’était créées avec tant de princes et de cités, le talent qu’il se sentait, tout cela lui donnait le désir d’un rôle politique. Il avait plus de quarante ans ; c’est l’âge où l’ambition naît souvent chez ceux mêmes qui n’ont encore songé jusque-là qu’au plaisir ou à l’argent. Il reprit donc possession de sa maison, où pendant son exil s’était installé un démagogue, Cléophon le luthier ; il se montra au Pnyx, il parla dans l’assemblée et devant les tribunaux, il sollicita des fonctions qui le missent en vue et lui permissent de faire briller son opulence. Ainsi, dans les deux années qui suivirent son retour, il fut gymnasiarque aux fêtes de Vulcain, chef de la théorie ou députation que la cité envoya aux jeux isthmiques ; puis de celle qui la représenta aux jeux olympiques ; il fut nommé l’un des administrateurs du trésor déposé dans le Parthénon sous la protection de la déesse. Enfin, comme pour aller au-devant du péril, il ne craignit pas d’intenter à Archippos, nous ne savons de quel chef, un procès où il l’accusait d’avoir mutilé un hermès.

Il n’en fallait pas tant pour réveiller les haines endormies. Andocide n’était pas aimé ; c’était, comme le définissait un de ses adversaires, « un homme qui n’avait jamais fait de mal qu’à ses amis. » Deux fois dans l’année qui suivit son retour, il avait été dénoncé à l’archonte comme souillé par un ancien sacrilège et profanant la cité par sa présence. Deux fois, à ce qu’il semble, il lui avait suffi d’opposer à ces attaques l’exception de l’amnistie ; mais à ses ennemis d’autrefois il en ajoutait chaque jour de nouveaux. En 400, quelques mois avant le procès de Socrate, il eut à soutenir un plus rude assaut. Celui au nom de qui fut déposée la plainte était un certain Képhissios, un sycophante, un de ces orateurs qui vivaient d’intrigues et de dénonciations ; mais Képhissios avait derrière lui un personnage plus considérable qui portait un des grands noms d’Athènes, Callias, fils de cet Hipponicos qui passait du temps de Périclès pour le plus riche des Grecs. Il y avait entre Callias et Andocide des liens de parenté ; mais des questions d’argent et de mariage les avaient faits ennemis. Porte-flambeau dans les grandes