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gue d’oil, les manifestations les plus sympathiques. Le moine de Saint-Denis nous apprend que, sous l’inspiration du comte d’Armagnac, lieutenant du roi, les états-généraux réunis à Toulouse avaient voté subsides et levées d’hommes avec enthousiasme. Les états particuliers du centre, comme l’Auvergne, votèrent aussi l’aide qui leur fut demandée.

Le lundi 5 décembre, le duc de Normandie partit pour Metz en confiant la lieutenance du royaume au duc d’Anjou, son frère. Tels avaient été ses premiers pas dans la carrière politique ; il y avait gagné beaucoup d’honneur. Son père eût affronté violemment la rébellion, si elle avait osé se montrer ; lui temporisait avec elle, et s’essayait à l’user par la patience. M. de Sismondi en éprouve du dépit. Le voyage de Metz l’exaspère. On ne saurait, dit-il, assigner aucun motif politique au voyage, il n’avait d’autre but que de folles dépenses. Il est facile de répondre que ce voyage faisait gagner du temps, et que, dans la situation des choses, c’était déjà bénéfice. Charles IV peut être un médiocre empereur aux yeux de M. de Sismondi ; mais la diète de Metz avait un but sérieux, qui était de présenter à l’Allemagne le complément de cette fameuse bulle d’or, qui a été la charte constitutionnelle du corps germanique jusqu’en 1802. Le duc de Normandie était le neveu de Charles IV, qui l’affectionnait ; quoi de plus naturel que le jeune prince allât demander conseil à son oncle, sage politique, qu’une circonstance accidentelle rapprochait de Paris à ce moment ? On sait d’ailleurs par Villani que l’empereur et le pape étaient intervenus après Poitiers avec une nouvelle insistance auprès d’Edouard III pour traiter de la paix. En outre le duc de Normandie était en même temps dauphin de Viennois, et à cette époque ce titre n’était pas purement honorifique ; il ne le fut que plus tard. Il emportait alors, au profit du fils aîné du roi de France, une sorte d’apanage avec toutes les charges de la souveraineté. Le fils de France dauphin était le continuateur des anciens dauphins provinciaux. Or le Viennois ou Dauphiné dépendait féodalement de l’ancien royaume de Bourgogne ou d’Arles réuni, comme on sait, à l’empire. Le duc de Normandie était donc tenu à l’hommage et au service de la diète envers l’empire, sous peine de commise féodale, et il avait un double intérêt à remplir son office de feudataire : celui de donner pied à la France dans le corps germanique, et celui de conserver la souveraineté d’une province qui était son patrimoine temporaire, tout en étant le patrimoine définitif de la France. Ainsi le voyage du dauphin à Metz était commandé par la plus saine politique. Quant au reproche d’abandonner Paris en un pareil moment, au lieu de rester pour le défendre, il est puéril. Paris n’était point attaqué. Le dauphin y laissait un gouvernement organisé et son frère pour lieutenant royal.