Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 93.djvu/690

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’Angleterre. Le roi faisait suivre la notification de ce traité d’un mandement par lequel il déclarait nuls tous les actes des états contraires à son autorité. Pour contenir les esprits, surexcités à cette nouvelle, et qui ne connaissaient plus de frein, le fils se trouva réduit à casser les ordres de son père, qu’il avait peut-être sollicités lui-même, et à faire publier qu’ils n’auraient aucun effet. Ainsi l’exigea le conseil suprême des trente-six députés.

La mésintelligence ne tarda pas à détruire l’œuvre que la conjuration avait ourdie. La division s’introduisit dans le conseil des trente-six, et Marcel, joint à Robert Le Coq, en profita pour attirer à lui la direction exclusive des affaires. Le dauphin, circonvenu par eux, ne pouvant ni s’opposer à la licence, ni punir l’usurpation, se restreignit à un rôle purement passif, et affecta une modération dont il eût été aussi dangereux qu’inutile de vouloir s’écarter. Pour conserver une ombre de pouvoir, il était contraint de n’en user qu’au gré de ceux qui l’opprimaient. Le régent essaya de parler au peuple, à l’exemple de ce qu’avait fait le roi de Navarre ; il ne réussit qu’à inspirer des craintes à Marcel, qui résolut de l’humilier par une dernière insulte. Comme les promesses du prince n’étaient pas toujours suivies d’un effet assez prompt, Marcel, attribuant ces hésitations à l’influence de conseillers restés fidèles, voulut en finir par une exécution exemplaire. En conséquence, il se rendit auprès du prince, et, le trouvant entouré des personnages dont la perte était décidée, hommes considérables par leur caractère et leurs services, tels que le seigneur de Conflans, maréchal de Champagne, et Robert de Clermont, maréchal de Normandie, le vainqueur de Godefroi de Harcourt, il les fit immoler à sa fureur sous les yeux mêmes du régent, qui put craindre un moment lui-même pour sa vie ; mais Marcel le rassura insolemment par l’échange de son chaperon, en signe d’amitié. Après un coup pareil, ni l’accord, ni la résignation n’étaient plus possibles. D’ailleurs la levée d’hommes et les subsides promis n’avaient pas été réalisés. Les états et Marcel en vinrent même à ce point de pénurie financière, qu’ils ordonnèrent un nouvel affaiblissement des monnaies, recourant ainsi à l’expédient tant critiqué par eux-mêmes, afin de pourvoir aux nécessités pressantes de leur détestable administration. Le régent s’échappa de Paris pour recouvrer sa liberté ; un grand nombre de villes, dit Secousse, ne pouvant souffrir que la ville de Paris se fût emparée d’une autorité qu’elles croyaient avoir le droit de partager avec elle, cessèrent d’envoyer leurs députés aux états, ou révoquèrent les pouvoirs de ceux qui étaient restés dans la capitale : la représentation nationale se trouva réduite ou mutilée, et la dictature des chefs de la sédition devint la nouvelle forme du gouvernement de la France.