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nom de Cam, fils de Noé ; mais tout nous conduit à penser que cette division biblique des peuples, rattachés à Cam, Sem et Japhet, se reporte bien plutôt à une différence d’état politique et social qu’à une différence physique de race. Cam, Kem, Kemi, la terre noire, est le nom que les habitans de la vallée du Nil donnaient à leur pays. Les fils de Cam désignés dans la Genèse sont les Égyptiens et les peuples soumis ou civilisés, par eux. Leur langue a dû faire partie d’un groupe séparé à tort des langues dites sémitiques, ayant toutefois un caractère distinct. Le nom d’Égypte est un mot grec qui signifie temple de Phtah ou tête courbe.

En remontant au-delà de l’époque où les religions locales de l’Égypte se présentent amalgamées, plus ou moins fondues, et dans un état de mélange favorisé par la politique, on peut distinguer plusieurs foyers de mythes et de traditions qui furent d’abord indépendans. En premier lieu, il faut signaler la mythologie Thinis-Abydos, où se forme le mythe qu’on peut appeler fondamental de la religion égyptienne, le mythe d’Osiris, le dieu-soleil, succombant chaque soir sous les coups du serpent des ténèbres, Apep pleuré par la Terre, Isis, et toujours vengé par son fils Horus, le jeune soleil, du matin, victorieux de la Nuit et de la Mort. Horus veut dire visage, et son symbole est le sphynx regardant toujours le soleil levant. Autour de ces trois noms, constituant la trinité égyptienne, la trinité conçue comme famille, non comme distribution métaphysique de l’essence divine, se groupent d’autres divinités, telles que Set, soleil, aussi, mais soleil malfaisant,. — Naï, le détesté, qui tourne au Satan, et dont, par la suite des temps l’Égyptien dévot effacera le nom sur les monumens sacrés, — Nephthis, son épouse, meilleure que lui, — Hathos la dorée, déesse de beauté et d’amour, terre luxuriante et chargée de moissons, — Thoth, dieu lunaire à deux cornes, mesureur du temps, inventeur, divinateur, civilisateur, et qui fournira aux théosophés de l’avenir leur idée de l’Hermès Trismégiste, — Anubis, le conducteur, peut-être l’étoile du Chien ou Sirius, dieu des momies et guide des âmes dans l’autre monde. C’est au mythe d’Osiris, passant après sa mort, mais toujours vivant, dans le monde souterrain, que se rattache cette notion de l’immortalité rémunératrice qui tient une si grande place dans la religion et la morale égyptiennes.

À Héliopolis, la religion, bien qu’essentiellement solaire, est moins naturaliste, plus abstraite qu’à Abydos. Les dieux de ce cycle sont Ra, le soleil se révélant dans son éclat, — Tum (symbole de l’escarbot), l’être unique et caché qui lutte dans les ténèbres, en fait jaillir la lumière et la vie, épousa sa mère, et sort de son sein sous le nom d’Harmachis, le soleil levant, — Shu et son épouse Tefinet, dieux lions : la dernière est une sorte d’Astarté. Elle est seule de son sexe dans cette mythologie locale qui, par sa sobriété relative et son caractère plus sombre que celui de la religion d’Abydos, se rapproche des croyances syriennes.