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vains futurs de notre histoire générale. La sincérité est une grande force, et c’est elle qui nous a guidé.

De l’exposé général de la situation des deux armées ennemies en présence, vers la fin de novembre 1870, il semblerait résulter, dans l’étude que nous avons en vue, que l’armée française de la Loire méritait par son organisation le nom d’armée, qu’elle était placée sous les ordres d’un seul général, et qu’enfin les affaires de Ladon, Maizières, et surtout de Beaune-la-Rolande, ne furent « que des engagemens préliminaires, où nous perdions beaucoup de monde, il est vrai, mais en infligeant des pertes cruelles à l’ennemi, et qui relevaient le moral du soldat en le disposant favorablement pour une lutte plus décisive.

S’il en eût été réellement ainsi, on ne saurait de quels termes flétrir les chefs, quels qu’ils fussent, généraux ou dictateurs, qui, disposant d’une pareille armée, ne surent s’en servir que pour nous conduire à d’irréparables désastres. Hélas ! la vérité seule est déjà assez triste ; il suffit de l’exposer, dans toute sa simplicité pour comprendre les causes de nos revers et aussi pour convaincre les esprits les plus rebelles que, dans notre siècle, ni les généraux, ni les soldats ne s’improvisent, et que, si rien en ce monde ne se recommence, ceux-là furent des insensés qui rêvaient de 92 en 1870.

I.

La retraite de l’armée des Vosges, dans les conditions déplorables où elle s’accomplit, fut un prodige d’habileté de la part du général qui la commandait, général peut-être oublié aujourd’hui, mais pour lequel tous ceux qui l’ont connu éprouvent ce respectueux dévoûment qu’inspirent seuls les hommes dignes de commander. Attaqué par ces journaux dont on peut dire qu’avant comme pendant la guerre ils ont désorganisé l’armée et paralysé ses efforts, le général Cambriels, blessé à Sedan, malade et ne se soutenant que par la plus énergique volonté, se retira devant ces attaques, contre lesquelles ne sut ou n’osa réellement le défendre le rhéteur brouillon qui gouvernait alors la France. Pourtant il ne pouvait se méprendre, lui, sur la valeur réelle d’une armée au milieu de laquelle il était accouru pour lui inoculer sa bouillante ardeur. Cette armée, bivouaquée autour de Besançon, sous la pluie et la neige, resta après comme avant dépourvue de tout ce qui est le plus nécessaire. Nous affirmons avec tous ceux qui en faisaient partie que quelques-uns de nos hommes n’avaient pas de souliers, que tous, sauf de très rares exceptions, n’avaient ni guêtres, ni cartouchières, ni sacs, ni effets de campement ; dans une musette en toile s’entas-