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diffère d’un autre que par le maniement de l’outil, et l’art étant à nos yeux une question d’intelligence et de sentiment beaucoup plus qu’une question d’adresse, nous n’entrerons pas dans l’examen des aquarelles exposées, qui présentent comme invention, dessin et comme couleur, les mêmes qualités et les mêmes défauts que les tableaux à l’huile. Qu’on nous permette une seule observation à propos de l’exécution, puisqu’il s’agit ici de questions purement techniques. Le charme de l’aquarelle vient surtout de la légèreté de la touche et de la spontanéité de l’improvisation : comparée à un tableau terminé, elle doit être comme une terre cuite comparée à un marbre. Si le travail est minutieusement et péniblement traité, si les empâtemens de gouache y sont multipliés pour simuler les touches accrochées de la peinture à l’huile, si partout s’y révèle la prétention de ressembler à un tableau fait par d’autres procédés, l’aquarelle n’a plus sa raison d’être : c’est ce qui arrive en Angleterre. Cela dit, nous n’avons que des éloges à donner à MM. Topham, Tailer, Tidey, pour l’habileté dont ils ont fait preuve.

La peinture allemande contemporaine est à peu près concentrée dans deux foyers, Dusseldorf et Munich. Située non loin de la Belgique et très près de la Hollande, la ville de Dusseldorf appartient par son art aux Pays-Bas, et n’a d’allemand que le langage. Les artistes de Dusseldorf, qui ont la prétention de constituer une école en Europe, sont des disciples de l’ancienne école hollandaise, à laquelle ils ont le tort de ne pas emprunter ce qui en fait le charme principal : la couleur et l’effet. Il est vrai qu’ils n’ont pas, comme les maîtres auxquels ils se rattachent, ce penchant à la laideur qui chez les Hollandais est racheté par tant de qualités éminentes; mais il leur manque la puissance et l’originalité. Malgré la maigreur de leur exécution, quelques artistes, notamment MM. Knauss et Meyerheim, ont conquis chez nous une légitime réputation; mais ceux-là n’ont pas exposé à Londres, et la Prusse, dont l’unique foyer de peinture est à Dusseldorf, n’est représentée que par un très petit nombre d’ouvrages qui ne s’élèvent pas au-dessus du médiocre.

La Bavière est la seule province du nouvel empire où l’art soit parvenu quelquefois à s’acclimater. Les villes d’Augsbourg et Nuremberg ont eu leur part dans le grand mouvement de la renaissance, et dans la première moitié de ce siècle Munich est devenu un centre d’activité sous l’impulsion du roi Louis. Dès que cette impulsion cessa, les artistes qui avaient élevé ou décoré les édifices publics étant devenus vieux et n’étant pas remplacés, l’opinion devint indifférente à ce qu’elle avait acclamé, et le mouvement, après avoir perdu son importance, s’arrêta tout à coup. Aujourd’hui il y a