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général sur le revenu, assis d’après la déclaration des parties et contrôlé par une commission; mais en sommes-nous là et pouvons-nous, dans la crise que nous traversons, bouleverser tout notre système financier, abandonner des recettes connues pour courir après des résultats incertains, renoncer à des taxes que perçoivent des agens exercés et auxquelles nos habitudes sont façonnées, pour une innovation qui dérouterait le personnel des finances et ferait violence à nos coutumes? Personne encore n’a mis en avant ce projet radical, et les promoteurs de cette imitation anglaise se sont bornés à proposer un impôt supplémentaire. Pour le propriétaire foncier et le commerçant patenté, la mesure équivaudrait à une addition de centimes qui dépasserait peut-être le chiffre des 45 centimes de 1848; on pourrait même soutenir que les centimes additionnels seraient préférables, puisque la perception n’exigerait ni agens nouveaux, ni changement dans les procédés de l’assiette et du recouvrement. Il est vrai que, par les centimes additionnels, nous n’atteindrions pas le revenu des capitaux mobiliers; mais cette observation conduit à dire que, si nous ne voulons pas faire de doubles emplois avec les impôts déjà existans, l’impôt sur le revenu doit, chez nous, être limité aux capitaux mobiliers. Le projet se rapprocherait alors beaucoup de la proposition qui a souvent été faite de taxer les valeurs mobilières.

Il existe cependant une différence sensible entre les deux idées. L’impôt sur les valeurs mobilières atteindrait chaque action, obligation, rente ou créance, et cette imposition aurait pour résultat de déprécier immédiatement le titre d’une somme égale au capital dont la taxe représenterait la rente. Si 100 francs de 4 1/2 valent 1,820 francs au taux de 82 francs, ils ne vaudraient plus que 1,800 francs le lendemain du jour où on les grèverait d’une taxe de 1 pour 100. La charge serait donc supportée par le propriétaire actuel, qui, au moyen d’une perte sur le capital, paierait pour tous les porteurs qui se succéderont. A la vérité, on en pourrait dire autant des surcharges sur la propriété foncière; mais les mouvemens dans les prix des terres sont plus lents que ceux des valeurs de Bourse, de sorte que les additions aux contributions foncières se répartissent mieux entre les propriétaires successifs en cas de vente et de revente. D’un autre côté, si le bien reste dans la famille, le propriétaire retrouve, par la marche progressive du prix des terres relativement à l’argent, la compensation à la moins-value momentanée de son immeuble. Un impôt sur le revenu des capitaux mobiliers n’aurait pas les mêmes conséquences qu’un impôt sur les valeurs mobilières, parce qu’il ne porterait pas sur tel ou tel titre déterminé. Le contribuable ferait une déclaration générale de son revenu sans avoir à faire connaître ni le nombre, ni les numéros,