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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juillet 1871.

On en dira ce qu’on voudra, on nous accusera même, si l’on veut, d’avoir l’orgueil de nos malheurs, la France n’a point certainement perdu le privilège d’être pour le monde un objet d’étonnement et d’étude. Depuis un an, elle a passé par toutes les crises, elle a connu les angoisses les plus poignantes, l’angoisse de la défaite dans la guerre avec l’étranger, l’angoisse de la guerre civile ; elle s’est trouvée presque sans armée et sans gouvernement à l’heure où elle avait le plus besoin de se concentrer dans un gigantesque effort de défense. Dix fois elle a semblé près de périr ; elle vit encore cependant, et à tout prendre, si elle n’est pas au bout de ses épreuves, si elle a bien des obstacles de toute sorte à vaincre, bien des écueils toujours menaçans à doubler, elle commence du moins depuis quelque temps à voir un peu plus clair dans ses affaires, et à secouer à demi cette stupeur qui suit d’incomparables catastrophes. La vraie difficulté pour la France, depuis cinq mois surtout, a été de se ressaisir elle-même, de reprendre pied en quelque sorte sur un terrain effondré, de déblayer ses ruines et de se dégager de la confusion d’une guerre meurtrière compliquée d’une révolution mal définie. Plus que jamais elle est à cette œuvre laborieuse et nécessaire dont le prix est l’indépendance reconquise, plus que jamais elle a besoin de fermeté, de bonne conduite et de raison virile pour résoudre ce douloureux et tout-puissant problème de sa résurrection ; mais déjà ce n’est plus comme au premier moment, où tout lui manquait à la fois, où elle semblait, dans l’étourdissement de ses désastres, ne pas bien savoir elle-même ce qu’elle voulait et ce qu’elle pouvait. La France n’a pas fait encore beaucoup de chemin sans doute, elle a du moins revu à sa tête un gouvernement sensé qui la soutient et la dirige dans la voie de réparation où elle est entrée. Son armée, ralliée dans le péril et ramenée au combat, lui a montré que sa sève militaire n’est point tarie. Le