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L’organisation
de la justice
dans l’antiquité et les temps modernes


III.

LA JUSTICE ROYALE AU MOYEN AGE[1]


L’étude de l’ancien régime n’est pas une affaire de curiosité pure ; un autre intérêt que celui de l’érudition s’y trouve engagé. Ce vieux passé, qui n’est plus et qui ne saurait renaître, exerce encore sur nous une domination d’un caractère singulier. Il n’est pas un Français, si ignorant qu’il soit, qui ne parle du moyen âge, qui ne croie le connaître, qui ne prétende le juger. Chacun veut le comprendre, et chacun le comprend à sa façon. Or l’idée que nous nous en faisons, vraie ou fausse, a un tel empire sur notre esprit, que presque tout le courant de nos pensées et de nos opinions vient de là. Observez pourquoi deux hommes pensent différemment sur les questions de gouvernement et de politique, c’est presque toujours parce qu’ils ont deux manières différentes de juger l’ancien régime. Demandez au premier venu son opinion sur les institutions actuelles, et vous trouverez toujours dans sa réponse, exprimé ou sous-entendu, un mot du passé. Le paysan vous parlera de la dîme et des droits féodaux, le bourgeois vous rappellera le tiers-état, et l’homme

  1. Voyez la Revue du 15 février et du 15 mars 1871.