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l’archevêque de Reims Hincmar, le moine Abbon de Fleury, et ce Lanfranc, abbé du Bec en Normandie, dont un vieux chroniqueur dit : « Il était instruit dans les lois ecclésiastiques et séculières, et les juges des cités acceptaient ses décisions avec applaudissement. » Après lui, et parmi les plus fameux, il faut compter Yves, évêque de Chartres, auteur d’un traité de législation, puis un autre évêque de Chartres, Jean de Salisbury, puis un cardinal nommé Matthieu d’Angers, qui avait professé un cours de droit, et enfin le pape Innocent III lui-même, qui s’était fait d’abord une réputation comme légiste.

Les ecclésiastiques se livraient si volontiers à l’étude du droit que plusieurs conciles crurent nécessaire de tempérer leur zèle. Un concile de Reims, en 1131, se plaignait « de la mauvaise et détestable habitude qui s’était établie parmi les moines et les chanoines d’apprendre les lois pour gagner de l’argent. » Déjà un concile plus ancien avait reproché aux ecclésiastiques « de se plaire au milieu des procès, d’être trop assidus aux assises, d’y disputer avec trop de chaleur, et de se faire les avocats de toutes les causes. » Plusieurs conciles interdirent aux clercs de se faire avocats ou procureurs, à moins qu’ils n’en eussent obtenu la permission de leur évêque. Un concile de Tours, en 1163, excommunia les moines qui s’échappaient de leur monastère pour aller étudier le droit. Quelques historiens, étonnés de ces prohibitions sans cesse renouvelées, en ont conclu que le clergé avait de la répulsion pour l’étude du droit. Le contraire nous paraît plus vrai. Ces mesures de précaution que le clergé se croyait obligé de prendre contre un zèle excessif prouvent précisément l’ardeur de ce zèle. Il suffit d’ailleurs d’observer attentivement tous les articles des conciles sur ce sujet pour voir qu’ils n’interdirent jamais d’une manière absolue aux ecclésiastiques l’étude des lois ni la profession d’avocat. Légistes, avocats, procureurs, tout cela a eu sa source première dans le clergé. Les écoles de droit furent fondées par le clergé ou tout au moins sous sa protection. L’école d’Orléans était l’une des plus fameuses; beaucoup de ses maîtres étaient ou devinrent des évêques. Un assez grand nombre de cardinaux et plus d’un pape avaient commencé par être des professeurs de droit ou des « maîtres en parlement, » comme Clément IV. Être légiste fut longtemps le plus sûr moyen d’avancement dans le clergé. Quelques-uns de ces ecclésiastiques restaient dans les tribunaux d’église ; la plupart remplissaient les tribunaux seigneuriaux ou royaux. On peut voir par les vieux registres des Olim comment le parlement de saint Louis était composé; les clercs y formaient la majorité, et parmi eux il y avait quelques évêques, quelques archidiacres, et, en plus grand nombre,