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qui se rapproche un peu des laboratoires allemands. Ajoutons qu’un laboratoire de chimie physiologique, destiné à M. Pasteur et à ses élèves, encore en voie d’achèvement, est annexé aux précédens. Ce sera une transformation de l’ancien laboratoire particulier où M. Pasteur a exécuté ses expériences sur les fermentations et les maladies des vins.

L’École polytechnique a des laboratoires auxquels se rattachent de grands souvenirs. C’est là que Gay-Lussac a exécuté ses expériences capitales, c’est là qu’après une trouvaille heureuse il disait à ses jeunes collaborateurs : « Eh bien ! maintenant nous allons danser! » Et alors maîtres et élèves se livraient gaîment à la bourrée. Ces laboratoires sont restés à peu près ce qu’ils étaient alors, et servent surtout aux manipulations obligatoires pour les polytechniciens. A l’École centrale et au Conservatoire des arts et métiers, les travaux de chimie pratique ont lieu dans des locaux appropriés spécialement aux études et aux applications industrielles.

L’utilité des laboratoires de physiologie n’a été reconnue que de nos jours. On l’a contestée pendant longtemps au nom de ce principe, qu’ici l’expérimentation est inutile, sinon trompeuse, puisqu’il n’y a, disait-on, aucune fixité ni régularité dans les phénomènes vitaux. Les médecins, d’une part, soutenant que l’étude de la maladie ne peut être entreprise qu’au lit du malade par l’observation clinique, les zoologistes, d’autre part, affirmant que la connaissance des fonctions résulte de celle des organes disséqués, ont contribué à discréditer l’application de la méthode expérimentale à l’étude des phénomènes de la vie. D’autres ont proscrit les vivisections au nom du droit naturel, qui nous défendrait de disposer de la vie des animaux. Pour toutes ces raisons et malgré les grands exemples de Harvey, de Perrault, de Régnier de Graaf, d’Aselli, de Buffon, de Spallanzani, de Haller, de Lavoisier, l’expérimentation physiologique est restée jusqu’à notre siècle à l’état de méthode d’exception. Lavoisier surtout, par ses belles expériences sur la respiration et la chaleur animale, avait montré la fécondité de l’expérimentation exacte appliquée aux phénomènes de la vie; mais il ne pratiqua point de vivisections. Bichat et Legallois avaient fait également quelques expériences sur les animaux, mais c’est Flourens et surtout Magendie qui ont démontré que l’expérimentation et principalement la vivisection doivent être la méthode ordinaire des recherches sur les êtres organisés. Ils créèrent en France les premiers laboratoires de physiologie; mais quels laboratoires, et avec quelles difficultés! Celui de Flourens était un cabanon du Jardin des Plantes, celui de Magendie un petit réduit de quelques mètres carrés dans un coin du