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simplicité des mœurs et repousser celles qui mènent à la dissipation.

Dans une époque démocratique, il ne faut pas que le pouvoir suprême soit comme le symbole éclatant de l’inégalité des conditions. C’est par les services rendus qu’il doit se faire respecter. La pompe royale, qui jadis éblouissait les peuples et ainsi fortifiait le pouvoir, ne fait plus aujourd’hui qu’irriter les masses et provoquer les passions anarchiques. Les valets aux livrées éclatantes, les équipages somptueux, le faste d’une cour, tout cet appareil qu’il faut payer chèrement n’est plus à sa place dans nos sociétés laborieuses. Ce qui convient plutôt, c’est le train de vie du chrétien et le vêtement noir du quaker.

Un chef de république sera moins porté à chercher querelle aux autres nations qu’un roi qui est un chef d’armée. Les souverains européens portent toujours l’habit militaire, et ne paraissent en public que revêtu d’un costume de général, même quand ils ne sont point capables de conduire une armée; le vêtement civil paraît indigue d’eux. Jamais le roi de Prusse et l’empereur d’Autriche ne se montrent qu’en uniforme. Ils s’occupent surtout de perfectionner les choses militaires et les engins de combat, fusils, obusiers, mitrailleuses, comme si l’art de détruire les hommes était le seul qui méritât Leur attention. Ils sont en cela les continuateurs des rois anciens, qui étaient avant tout des guerriers; mais dans nos sociétés, fondées sur la paix, le travail et l’échange, ces rois guerriers forment un terrible contre-sens. Disposant de millions d’hommes, aspirant à s’illustrer ou à consolider leur trône par des victoires, jaloux les uns des autres, ils menacent constamment le repos du monde. Le désarmement dans les conditions actuelles est une chimère; mais si tous les peuples de l’Europe disposaient de leurs destinées, comme ils n’ont aucun intérêt à se nuire, à s’enlever des provinces ou à ruiner leur commerce, ils ne tarderaient pas à imiter la Suisse et les États-Unis : ils renverraient les soldats à la charrue. Ce serait trop de dire que la république est une garantie assurée de paix; mais, généralement adoptée et organisée comme aux États-Unis, elle diminuerait certainement les chances de guerre.

La république aurait pour la France en ce moment l’avantage de lui permettre une plus grande liberté d’action dans sa politique extérieure. La monarchie pourrait difficilement, sans compromettre sa popularité, comprimer les Impatiences belliqueuses que le désir de la revanche ne manquera pas d’éveiller, tandis que la république sera toujours libre d’attendre son heure; car elle n’a pas d’intérêt dynastique à sauvegarder au prix d’une guerre intempestive. Étant le peuple constitué, elle n’a pas à faire de popularité.

Etranger et citoyen d’un pays neutre et pacifique de par le droit