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la gauche, car la vieille gauche, on le sait bien, n’a plus aucune répugnance pour la centralisation et pour l’autorité plus ou moins illimitée des préfets dès qu’elle compte pouvoir s’en servir.

Au fond, de quoi s’agit-il ? La lutte est engagée entre ceux qui veulent le maintien de ce qui a existé jusqu’ici, de cette fameuse institution préfectorale de l’an VIII, assez légèrement modifiée par les circonstances, et ceux qui croient le moment venu d’introduire dans le vieil organisme administratif un esprit nouveau par l’extension des droits des assemblées départementales, par la réalisation progressive de tout ce qui peut conduire au gouvernement du pays par le pays. Il se peut sans doute que, malgré tous les soins de la commission et de son zélé rapporteur, M. Waddington, la loi nouvelle ne soit point des plus parfaites. Il se peut qu’il y ait de l’inconnu dans cette expérience qui va se faire, qu’on ne voie pas au juste encore ce qui sortira de ce déplacement de pouvoirs, de cet agrandissement de la sphère d’action des assemblées départementales, de ce droit d’émettre des vœux sur des questions qui, sans se confondre avec la politique, y touchent de très près, de cette institution nouvelle d’une délégation semi-permanente du conseil-général, placée auprès du préfet pour le contrôler, pour concourir avec lui à l’administration des intérêts locaux. Ce sont là des nouveautés, plus modestes qu’on ne le dit, assez sérieuses encore, nous n’en disconvenons pas ; mais quoi ! valait-il mieux ne rien faire, et pouvait-on même ne rien faire ? Suffisait-il de revenir à la vieille routine et de reprendre le vieil instrument en se promettant d’en jouer mieux ? C’est tout simplement une illusion.

Le fait est que dans ces désastres qui ont éclaté sous nos pas, que nous n’avons pas su voir venir, la France a subi ce qu’on peut appeler d’un mot aussi cruel que juste une faillite, une faillite administrative autant que militaire et diplomatique, et qu’il ne s’agit plus de réformes plus ou moins séduisantes selon l’expression qui a été employée ; il s’agit de tout refaire, parce que tout nous a manqué : voilà la vérité. La centralisation administrative, lorsqu’elle a été, non pas précisément créée, mais reconstituée et adaptée à un ordre nouveau au commencement du siècle, la centralisation a été sans nul doute un bienfait ; elle a été l’instrument le plus énergique et le plus efficace pour cimenter l’unité nouvelle de la France. En réalité, la centralisation a péri à la longue par son excès même, parce que l’esprit qui l’avait produite et qui l’a fait vivre s’est épuisé, et il n’est plus resté qu’un mécanisme dénué d’une fécondité réelle. Au jour du péril, on l’a bien vu, cette centralisation démesurée s’est trouvée n’avoir produit que la désorganisation, c’est-à-dire qu’au moment où le système devait manifester avec le plus d’énergie son efficacité, il a laissé éclater son impuissance. Les préfets de l’empire s’en sont allés, les préfets de M. Gambetta sont ve-