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cres revenus ; mais telles sont les dépenses que le harem et le manque d’ordre imposent aux Turcs, que presque tous ces fonctionnaires ont peine à vivre avec leur traitement. Quant aux petits employés, un grand nombre touchent à peine 200 piastres par mois, ce qui, dit-on tout haut dans le pays, leur donne le droit de voler ; d’autres ne touchent même rien du tout, ils sont surnuméraires dix et douze ans de suite.

Andrinople possède une des quatre écoles militaires fondées en 1847 dans l’empire ottoman ; les autres sont à Brousse pour l’Anatolie, à Damas pour la Syrie, à Monastir pour la Bosnie, l’Albanie et la Macédoine. Elles sont destinées à former des élèves pour l’école impériale militaire de Constantinople. Le nombre des élèves à Andrinople varie de 80 à 100 ; ils ont de douze à vingt ans. Les classes sont au nombre de cinq. On apprend dans la première les grammaires arabe et persane, la religion et l’écriture ; dans la seconde, la syntaxe, la littérature et l’arithmétique ; dans la troisième, la grammaire turque, la géographie, les élémens du français ; dans la quatrième, l’histoire ottomane, la grammaire française, l’algèbre, l’art épistolaire ; dans la cinquième, la géométrie, la cosmographie ; cette classe comporte de plus des exercices de composition et de conversation en notre langue. Le cours de dessin est obligatoire pour les cinq années. Presque tous les élèves sont mahométans ; je n’ai compté que deux Grecs, deux Bulgares et un Arménien. Le régime de l’école est l’internat, le costume celui de l’armée. Chaque enfant reçoit une paie de 25 piastres par mois ; l’habillement et l’entretien sont aux frais de l’état. Si les parens déclarent que leur fils ne restera pas au service de la Porte soit dans l’armée, soit dans l’administration, ils doivent une pension de 3, 000 piastres par an. L’école compte onze professeurs, placés sous les ordres d’un chef d’escadron ; plusieurs d’entre eux ont étudié en France.

On remarquera que dans le programme l’arabe et le persan précèdent l’étude du turc ; le tare littéraire en effet ne peut s’enseigner, si on ne connaît auparavant ces deux langues, qui lui prêtent une partie de leur vocabulaire. C’est là une des raisons qui rendent difficile l’instruction dans l’empire ottoman ; ce sont trois syntaxes et non une qu’il faut apprendre pour écrire le turc littéraire et même la langue administrative. Le français tient une place importante dans l’enseignement de l’école : il n’y figure pas pour la forme. Des élèves osmanlis qui n’ont jamais quitté la Turquie soutiennent parfaitement une conversation dans notre langue ; dans la cinquième classe, plusieurs la parlent avec une rare correction : ils ne feraient pas, il est vrai, comme les petits Arabes de Syrie des narrations dignes de notre baccalauréat ; il est déjà surprenant que leurs progrès soient aussi complets. On ignore en général que depuis quinze