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gère. Ces quelques chrétiens et un petit nombre de gendarmes turcs sont les seuls soldats de la province. Il est telle ville de 6,000 et 7,000 âmes qui a pour unique garnison dix zaptiés et un sergent.


III.

Le Vieux-Séraï, ou palais du sultan à Andrinople, fut bâti dans la seconde moitié du XIVe siècle, sous le règne de Murat Ier. Bien qu’il soit aujourd’hui en ruine, il n’en reste pas moins un des monumens les plus précieux que possède l’empire ottoman. Le séraï de Stamboul, élevé par Mahomet II à l’entrée de la Corne-d’Or, sur l’emplacement occupé au moyen âge par la demeure des césars byzantins, a aujourd’hui disparu. On n’y trouve plus au milieu des cours et des jardins que des kiosques tout modernes ; sauf un ou deux pavillons persans, toutes les chambres ne présentent guère que l’ameublement européen, des fauteuils achetés à Paris, des tapis, des tentures de soie et des bronzes de France. Malgré l’état d’abandon où le laissent les Osmanlis, le palais de Murat Ier conserve encore un aspect tout oriental. Il s’élève à un quart d’heure au nord d’Andrinople, sur les bords de la Tondja ; une antique forêt le sépare de la ville ; on y arrive en traversant deux ponts monumentaux jetés sur les bras de la rivière ; quelques zaptiés, gardiens indifférens de cette demeure, vous laissent entrer et tout voir à loisir. Le visiteur pénètre d’abord dans une cour immense, qui n’est qu’une prairie entourée d’auvens que soutiennent des piliers de bois. C’est là que se tenait la garde du sultan ; l’espace ne manquait pas à cette foule asiatique pour dresser ses tentes et laisser paître ses chevaux. En face, de l’autre côté, est la Porte, cette porte sublime de félicité dont parlent tous les documens osmanlis. Elle est proprement l’entrée du palais et d’une simplicité qui étonne, sans sculpture, sans ornement. Fermée par deux épais battans garnis de fer, elle donne accès sous un passage voûté. Les ambassadeurs, les grands de l’empire, les sujets tributaires qui venaient voir le chef des Osmanlis, avaient libre accès jusqu’à cette porte ; il leur était interdit d’aller plus loin. Le khan quittait l’intérieur du palais et se transportait lui-même en ce lieu ; là, renfermé dans une petite chambre, caché par un treillage doré, il écoutait les requêtes. Il est facile de comprendre des phrases comme celles-ci : « vous serez admis à ma Porte souveraine ; vous viendrez à ma Porte chercher votre pardon. » Cette chambre du sultan, qui occupe seule un petit pavillon isolé, ne peut guère contenir plus de trois ou quatre personnes ; elle était autrefois occupée presque tout entière par un divan. Le souverain, accroupi sur des coussins, avait à droite le guichet par lequel lui