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point dépasser une certaine limite suffisamment indiquée par le rang de tels personnages. Quoi qu’il en soit, les émolumens du personnel ont reçu sous le dernier règne des accroissemens assez notables que l’état du trésor ne nous permet pas de maintenir. On s’était efforcé de mettre la rémunération au niveau de la cherté de la vie, d’augmenter l’aisance à tous les degrés, de donner un certain éclat aux hauts emplois, et les circonstances nous obligent non-seulement à nous arrêter dans cette voie, mais encore à revenir sur nos pas. Il faut réduire non-seulement les gros traitemens, les traitemens abusifs, aujourd’hui bien peu nombreux, mais encore les moyens, et nous ajouterons même les petits. Indépendamment des nécessités financières, il est bon que dans les malheurs publics chacun, à quelque degré qu’il se trouve, soit frappé et supporte sa part de la détresse générale. Il ne faut pas plus de privilégiés d’en bas que de privilégiés d’en haut. Il ne faut pas créer deux classes de citoyens dont l’une pourrait voir tranquillement passer au-dessus de sa tête les coups qui atteignent la nation, et aurait presque le droit de se désintéresser de nos désastres. Souffrir pour le pays, s’associer courageusement aux sacrifices qu’il réclame, c’est le devoir de chaque citoyen], c’est l’acte de patriotisme dont il ne convient d’exclure personne. Il importe néanmoins de proportionner la part de chacun à ses forces. En faisant reculer les émolumens vers le chiffre qu’ils avaient il y a vingt ans, il faut distinguer, dans les augmentations accordées pendant cette période, ce qui a été destiné à procurer à l’employé le nécessaire, à lui donner plus d’aisance, à lui permettre de mieux représenter.

Si l’on doit épargner presque complètement les augmentations de la première espèce, on peut avoir moins de ménagemens pour celles de la seconde et moins encore pour celles de la troisième. Aussi, bien qu’en matière d’impôt nous considérions la progression comme le système le plus détestable, nous admettrions pour les économies à faire sur les traitemens un tarif de réduction progressive. Le projet de loi sur les crédits rectifiés de 1871 contient un tarif de ce genre qui atteindrait tous les traitemens à partir de 3,500 francs en province et de 5,000 francs à Paris en leur faisant subir des retenues graduées de 5 à 25 pour 100. On obtiendrait par ce moyen une économie de 9,884,969 francs sur un chiffre de traitemens montant par année à 112,742,799 francs, y compris ceux du ministère des finances appartenant aux frais de régie et de perception. En soumettant à la retenue les traitemens de 3,500 fr. et de 5,000 fr., en leur faisant supporter une réduction légère, 2 pour 100 par exemple, en élevant un peu le tarif pour ceux de 6,000 à 10,000 francs, en appliquant le taux de 25 pour 100 à partir de 30,000 francs, on