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mais de ralentir dans une proportion notable la construction de nouveaux navires[1], de se borner pendant quelque temps à l’entretien de ceux qui existent, et même de diminuer ces frais d’entretien en démolissant ou en vendant les bâtimens qui sont inutiles, ou dont les conditions ne sont plus à la hauteur des progrès réalisés depuis vingt ans par la science maritime. On réussirait par ce moyen à limiter à 22 millions environ la dépense des salaires d’ouvriers, des constructions navales et de l’artillerie, dépense inscrite au dernier budget pour 62 millions. L’économie serait donc de 40 millions. On procéderait avec la même sagesse pour les travaux hydrauliques et les bâtimens civils, et de ce chef il serait permis de gagner près de 3 millions. De cette façon, et sans toucher aux crédits des colonies et du service pénitentiaire, on obtiendrait sur l’ensemble du budget de la marine une diminution de dépense de 68 millions.

Parmi les ministères qui peuvent se prêter le mieux aux économies, nous avons cité le ministère des travaux publics. Bien que les dépenses de ce département soient des dépenses fécondes, qu’elles aient pour objet de faciliter les communications, de favoriser le commerce, de développer la prospérité, et qu’en conséquence l’intérêt public fasse une loi de leur donner le plus grand essor, cependant elles ne sont pas toutes indispensables, et jusqu’à nouvel ordre le trésor ne doit payer que ce qui est strictement nécessaire. Il serait donc désirable, dans le vote des crédits, de limiter les allocations aux travaux d’entretien et à l’achèvement des travaux neufs les plus urgens. Conserver, terminer, mais ne rien entreprendre, telle doit être la règle invariablement suivie tant que la situation ne sera pas plus prospère. Réparons nos routes, nos ponts, nos canaux, nos ports : l’invasion nous a laissé des ruines qui seront longues à relever; mais ne créons aucune route, ne construisons aucun pont, n’ouvrons aucune ligne de fer, avant que la trace des derniers désastres ne soit effacée. Cette règle de conduite peut rencontrer quelque obstacle en ce qui concerne les travaux de chemins de fer. L’état ne possède pas à leur égard toute sa liberté d’action. Le gouvernement impérial a laissé à la France une série d’engagemens onéreux, et lui a imposé une dette qu’elle n’est pas complètement maîtresse de modérer à son gré. En vertu de traités passés avec les compagnies de diverses lignes et consacrés par des lois, l’état s’est engagé à exécuter lui-même des travaux, à payer des annuités ou à fournir des subventions qui montent à des sommes considérables, sans parler des garanties d’intérêts, qui retombent sur le budget

  1. Voyez particulièrement sur cette question la Réforme de notre marine, par un officier de marine, dans la Revue du 1er avril dernier.