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l’Appenzell ; en quelques mois, Saint-Gall comptait plus de 800 anabaptistes.

Les progrès de leurs doctrines remplissaient les sectaires d’espérance ; ils se flattaient déjà d’un triomphe prochain sur ce qu’ils appelaient l’église des impies, quand la défaite de l’insurrection des paysans allemands vint leur porter un coup terrible. Waldshut, qui était devenu, avec la petite ville de Hallau, où Brödli et Reublin avaient entraîné la majeure partie de la population, le grand boulevard de l’anabaptisme sur la frontière suisse, rentra sous l’autorité de l’Autriche. Les deux villes durent renoncer à leur indépendance religieuse et chasser les pasteurs radicaux qu’elles s’étaient donnés. Les anabaptistes de l’Helvétie se trouvaient maintenant isolés et plus exposés que jamais aux attaques de Zwingli, qui poussait contre eux à la persécution. Déjà ils avaient été contraints d’abandonner Schaffouse, quand les magistrats de Saint-Gall prirent une mesure manifestement dictée par l’intention de les exclure de la ville. Les ministres de la nouvelle secte furent convoqués à une assemblée dans l’église de Saint-Laurent pour y faire exposition de leurs principes et les soumettre au jugement de quatre pasteurs évangéliques spécialement désignés. Des menaces obligèrent Ulimann d’obtempérer à cette invitation impérieuse. Il ne parut dans l’assemblée que pour être condamné. Il n’était pas convaincu, mais à qui pouvait-il appeler de cette décision ? On était au mois de juin 1525 : les partisans de Storch et de Münzer avaient été mis en pleine déroute ; ils étaient réduits à se cacher. Zwingli venait précisément de dédier à la ville de Saint-Gall un livre virulent contre la rebaptisation. Grebel écrivit vainement au bourgmestre de la ville, Vadianus, qui était son beau-frère, pour le détourner de prêter les mains aux projets intolérans de ses adversaires. Celui-ci encouragea lui-même le sénat à prendre contre les novateurs des mesures rigoureuses. Toute profession de foi anabaptiste fut interdite sous peine de détention ou de bannissement ; ceux qui se faisaient rebaptiser encouraient une amende pécuniaire, et, pour mieux assurer l’exécution de ces mesures, le sénat réunit à la maison de ville tous les bourgeois, auxquels il fit jurer de donner leur concours à l’autorité. Un seul refusa ; il fut immédiatement expulsé du territoire avec sa femme et son jeune enfant.

La persécution devint alors générale dans toute la Suisse. Les sectaires étaient dénoncés et emprisonnés. On arrêta Mantz, qui prêchait à Coire, et on le livra au gouvernement zurichois. Hofmeister avait reçu auparavant l’ordre de quitter Schaffouse. Grebel et Blaurock furent appréhendés au corps à Grüningen, tandis que ce qui restait d’anabaptistes dans Waldshut et Hallau n’avait plus