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et Capito, afin de se concilier leur amitié. Quand il eut ainsi fortifié sa position, il remonta en chaire, d’abord avec tant de circonspection que l’autorité ecclésiastique n’eut rien à lui reprocher, puis il haussa la voix par degrés, et, l’affluence de son auditoire exaltant son audace, il transporta le siège de ses prédications du faubourg au sein même de la ville, qui retentit ainsi de ses attaques contre l’église. Nouvelles plaintes des chanoines, qui insistent près de l’évêque pour qu’une punition exemplaire soit infligée à l’incorrigible hérétique. Le comte Frédéric, qui gardait rancune au chapitre métropolitain de l’opposition qu’il lui avait faite, n’eut cure de ses dénonciations. Il fallut que l’affaire vînt aux oreilles de Charles-Quint pour que le prince-évêque se décidât à sévir. L’empereur en écrivit au prélat et au sénat de Münster, leur enjoignant de faire cesser immédiatement les scandaleuses prédications. Un décret d’expulsion fut en conséquence lancé contre Rothmann, mais celui-ci comptait sur la puissance de son parti.

Dans la haute bourgeoisie, composée de ce que l’on appelait les erbmänner (propriétaires fonciers), plusieurs avaient embrassé le luthéranisme. La réforme rencontrait plus de partisans chez les bourgeois, qui constituaient le fond de ce qu’on appelait la commune (gemeinheit). A celle-ci appartenait, par une élection à deux degrés, la nomination du sénat, conseil supérieur de 24 membres, qui élisait dans son sein les deux bourgmestres et se partageait les diverses branches de l’administration municipale. Toutefois les erbmänner entraient presque seuls au sénat, et leur prépondérance réduisait à peu de chose l’action de la commune. Le corps des artisans exerçait en fait bien plus d’influence, et c’était là que le protestantisme comptait le gros de ses adhérens. Ces artisans composaient dix-sept gildes ou corporations, qui avaient chacune à leur tête deux maîtres ; elles jouissaient du privilège de s’administrer elles-mêmes, rédigeaient leurs propres règlemens, faisaient leur police et avaient leur juridiction spéciale. Les membres des gildes, ou, comme l’on disait, les compagnons, quoique ne jouissant pas des avantages dont étaient en possession les bourgeois, dominant dans la commune et s’en séparant d’habitude, exerçaient une influence politique considérable. Les deux anciens (olderleute) que l’assemblée des maîtres choisissait chaque année au Schohaus, et qui étaient préposés à la gestion des intérêts communs de toutes les gildes, se trouvaient investis d’une magistrature populaire qui n’était pas sans quelque analogie avec le tribunat de l’ancienne Rome, Aucun compagnon ne pouvait être arrêté ni traduit en justice sans l’assentiment des anciens, qui balançaient ainsi souvent le pouvoir du sénat. Le Schohaus entrait conséquemment en